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vivante, et l’on n’a point de peine à faire voir qu’il est impossible de reconnaître la moindre altération dans les caractères des animaux depuis les époques les plus reculées jusqu’à nos jours. L’étude des faunes anciennes a fourni à M. Agassiz des argumens d’un ordre nouveau. Il a montré que les faunes successives qui ont peuplé la terre ne peuvent être dues à un petit nombre de germes primitifs, parce qu’à toutes les époques le nombre des espèces animales a été aussi considérable qu’aujourd’hui. Pour faire une pareille comparaison, il ne serait pas juste, comme il le fait remarquer avec raison, de mettre le nombre total des espèces animales actuelles en regard de celles qui caractérisent les différentes périodes géologiques. La paléontologie ne peut étudier les faunes détruites qu’en des points isolés, et ne peut arriver à connaître qu’une bien faible partie des débris qui demeurent cachés dans les profondeurs du sol. Il faut donc, pour procéder à une telle comparaison, la circonscrire dans les bassins déterminés qui se trouvent le mieux connus, et l’on s’assure ainsi qu’au point de vue du nombre des espèces, elle n’est point défavorable au passé. Les patientes, recherches de M. Deshayes ont élevé à plus de douze cents le nombre des mollusques du bassin de Paris. Nulle partie de la terre ne présente aujourd’hui sur une égale surface une telle variété de formes organiques. La Méditerranée entière n’est habitée que par six cents espèces de mollusques environ ; celles des côtes de l’Europe baignées par l’Atlantique sont au nombre de six cents ; la faune des îles Séchelles en comprend trois cents, celle des îles Maurice, Bourbon et Madagascar, trois cents également ; celle de la Mer-Rouge, quatre cents ; celle des côtes de l’Amérique centrale, situées près des tropiques, entre le 22° et le 28° degré de latitude, cinq cents. Les bancs de polypiers les plus anciens, de même que ceux de la période jurassique qu’on trouve dans le Jura, la Suisse, l’Allemagne et la Normandie, sont aussi riches en espèces que les bancs de corail qui s’élèvent de nos jours dans la Mer-Rouge, dans le Pacifique et sur les côtes de l’Australie. Les insectes sont de tous les animaux ceux dont les restes ont dû le plus vite céder à l’action destructive du temps ; pourtant ceux que l’on a découverts à OEningen, et qui ont été décrits par M. Oswald Heer, forment une tribu aussi nombreuse qu’aucune de celles qu’on pourrait aujourd’hui trouver dans les mêmes limites géographiques. On sait en quelle énorme quantité les débris de poissons se rencontrent au mont Bolca en Italie, à Solenhofen en Allemagne, à Lyme-Regis en Angleterre. Quant aux mammifères eux-mêmes, les découvertes faites dans le Brésil et dans l’Australie ont donné la preuve que les animaux fossiles appartenant à cette classe y sont plus nombreux que ceux qui sont aujourd’hui vivans. Les débris trouvés dans la colline de Montmartre