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veille de devenir un fait reconnu ; mais il n’est pas moins curieux de suivre dans des réunions, comme celle qui a eu lieu récemment à Copenhague, la marche de cette idée, les progrès de ce travail, qui seul peut conduire à un résultat pratique, en rapprochant les hommes, en mettant toutes les idées et les intérêts en contact, en faisant tomber les défiances et en préparant l’œuvre de la politique et de la diplomatie.

L’une de ces questions qui étaient récemment agitées dans la réunion ecclésiastique scandinave de Copenhague, celle de la liberté du culte, est d’un intérêt tout actuel pour la Suède, où l’esprit de secte est resté le plus vivant et le plus tenace. Depuis quelque temps en effet, le pays est ému par des discussions d’un caractère tout religieux. Il s’agit de savoir si l’intolérance, une intolérance à peu près entière et absolue, restera inscrite dans la législation suédoise, ou si elle sera un peu tempérée, on ne pourrait pas dire effacée, et, chose étrange, c’est le gouvernement qui marche en avant dans cette voie, qui cherche à faire prévaloir quelques idées plus libérales ; c’est l’opinion publique, ou du moins une partie de l’opinion qui résiste, en s’efforçant de maintenir toutes les restrictions et les pénalités par lesquelles le protestantisme suédois s’est défendu jusqu’ici. Le gouvernement du roi Oscar, comme on sait, a présenté à la diète un projet en faveur d’une plus grande liberté religieuse. Ce projet, il l’avait déjà soumis à l’examen de la cour suprême, et il l’a révisé après avoir pris l’avis de cette cour. Entre le premier projet et le projet définitif, la différence n’est pas grande du reste ; il est facile de voir que le gouvernement est obligé de marcher avec une circonspection extrême pour ne point aller se heurter contre une insurmontable opposition. En définitive, en quoi consiste cette proposition ? Elle se borne à supprimer la confiscation et la perte de tout héritage, dont se trouvaient atteints ceux qui abjuraient la religion nationale. Quant au surplus, il est interdit de faire acte de prosélytisme, de répandre des idées contraires aux vérités fondamentales de la doctrine luthérienne, et, chose plus grave, les enfans nés luthériens doivent, même dans le cas où leurs parens auraient abjuré la foi de l’église établie, continuer à être instruits dans la pure doctrine évangélique jusqu’à un certain âge où ils retrouvent leur liberté. On le voit donc, si le progrès est réel, et on ne peut le nier, puisque le changement de religion cesse d’être passible de peines civiles, la liberté religieuse reste encore renfermée dans d’étroites limites, et même le droit des familles est subordonné à l’intérêt de l’église établie.

Aux approches de la discussion, la diète n’a pas moins été saisie d’une vive agitation. Quand une proposition importante arrive aux chambres, celles-ci peuvent l’examiner, la discuter avant de la renvoyer à un comité. C’est ce qui a eu lieu pour le projet sur la liberté religieuse. Dans la chambre des nobles, les opinions étaient partagées ; dans celle des prêtres, la majorité était contraire. Dans la chambre des bourgeois, pas une voix ne s’est élevée pour combattre le projet. Ici, la discussion ou plutôt l’examen de la question a pris un assez curieux aspect. Le sentiment qui dominait évidemment était la crainte que l’ordre du clergé n’offrît le triste spectacle d’un vote unanime contre la liberté religieuse, et ne finît même par entraîner les paysans, qui sont dans une cruelle incertitude. Dans cette séance de la chambre des bourgeois,