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à peine, il faut être soi-même initié pour les lire. Ces travaux n’ont pas la popularité pour eux, il est vrai ; ils aident pourtant à la conquérir en préparant des élémens que d’autres mettront en œuvre. C’est à l’aide de ces matériaux, patiemment réunis par une multitude de chercheurs curieux et infatigables, qu’on finit par arriver à dégager la vérité et la philosophie des faits dans le passé. Un de ces érudits qui ont la passion des détails et des choses intimes de l’histoire, M. Guérard, dont on retraçait récemment la biographie au sein de l’Académie, disait un jour qu’il n’avait paru aucun ouvrage véritablement progressif pour l’histoire de notre pays depuis que les travaux des bénédictins avaient cessé. L’Académie des Inscriptions a trouvé une de ces œuvres de bénédictin à récompenser en donnant un prix exceptionnel à M. B. Hauréau pour sa continuation du Gallia Christiana, et, parmi les études consacrées aux antiquités de la France, elle a couronné aussi le travail d’un jeune savant animé d’un zèle intelligent, M. Deloche, sur la géographie historique de la Gaule au moyen âge, en même temps qu’un certain nombre d’autres essais qui se rattachent particulièrement à l’histoire provinciale. Joignez à ceci, pour compléter cette séance, un mémoire de M. Reinaud sur les populations de l’Afrique du nord et la lecture d’un rapport de M. Guigniaut sur les travaux envoyés par les membres de l’école française d’Athènes. L’érudition est donc toujours active. Ce que disait M. Guérard au sujet de l’interruption de l’œuvre des bénédictins peut ressembler à une boutade satirique d’un savant passionné. Au fond, peut-être y a-t-il quelque vérité, en ce sens que toutes les recherches patientes et exactes sont la base solide où s’appuie le grand art de l’histoire. Si le zèle de la science faiblit, si l’érudition décline ou perd sa sûreté, il n’y a plus bientôt d’historiens, il n’y a que des déclamateurs et des sophistes jouant avec des faits qu’ils dénaturent, et l’art historique lui-même est en péril.

La politique de l’Europe embrasse bien des intérêts distincts, bien des questions qui s’agitent simultanément. Si on se tourne vers l’Orient, on se trouve en présence de la crise de Constantinople ; si on jette les yeux sur l’Italie, Il y a les traces encore mal effacées des derniers soulèvemens que M. Mazzini s’occupe à commenter. Au nord enfin, le Danemark est loin d’être délivré de toutes ces longues et obscures querelles suscitées par l’Allemagne au sujet des duchés. Les affaires du Danemark, à vrai dire, entrent dans une phase peut-être décisive par la convocation des états provinciaux du Holstein, qui se rassemblent en ce moment même, et dont les délibérations vont succéder à cette espèce de guerre diplomatique poursuivie depuis quelque temps entre les cours allemandes et le cabinet de Copenhague. C’est là, si l’on s’en souvient, une concession que le gouvernement danois a faite à l’Autriche et à la Prusse. Il reste à savoir ce qui sortira de cette transaction, que chacun interprète aujourd’hui dans un sens différent, comme il arrive presque toujours. Le Danemark, dans un esprit de conciliation et de paix, a consenti à réunir les états provinciaux du Holstein, à écouter leurs griefs, à les consulter de nouveau sur l’administration spéciale de leurs affaires ; mais en même temps il a expressément réservé les droits de son indépendance souveraine, en mettant au-dessus de toutes les prétentions particulières l’organisation commune de la monarchie, et en limitant d’avance le cercle des délibérations de ces états, qui vont se réunir. L’Autriche et la