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grossissait à l’orient, l’empereur des Français et la souveraine de la Grande-Bretagne restaient quelques jours réunis. Lord Palmerston et lord Clarendon étaient présens d’ailleurs, aussi bien que M. le comte Walewski. Que s’est-il passé à Osborne ? Le chef du cabinet de Londres vient de dire dans le parlement le dernier mot de l’entrevue des deux souverains. Interpellé dans la chambre des communes par M. Disraeli, lord Palmerston a déclaré que le gouvernement de la reine allait se joindre à la France pour réclamer l’annulation des dernières élections de la Moldavie, ce qui fait disparaître toute divergence dans l’action des deux puissances, en supprimant le plus notable élément de perturbation. Si la Turquie ne sort pas sans dommage de cette échauffourée diplomatique, l’alliance de la France et de l’Angleterre en sort intacte, les rapports généraux de l’Europe restent ce qu’ils étaient.

C’est là le résumé rapide et succinct de cette crise qui vient de naître et de se dénouer en quelques jours. Que l’Europe se soit trouvée un instant au seuil de redoutables complications, c’est ce qui n’est point douteux, et il était bien facile en vérité de prévoir un conflit de ce genre après avoir suivi pas à pas la marche de cette question des principautés. Il était visible depuis quelque temps, en effet, que la situation se tendait de plus en plus, et que tout ce travail audacieusement poursuivi dans les provinces du Danube pour altérer l’expression de l’opinion publique devait à la fin rencontrer une protestation nette, péremptoire et efficace, sous peine d’une abdication véritable de la part des puissances qui ont pris en main l’exécution du traité de Paris et des engagemens qui en découlent. L’erreur étrange de ceux qui ont provoqué cette protestation a été de faire une confusion permanente et de vouloir à tout prix combattre l’union là où il s’agissait avant tout d’exécuter un traité. Une erreur plus grande encore de leur part a été de croire qu’il suffisait d’enlever un succès, d’empêcher par tous les moyens une manifestation, et que les faits accomplis s’imposeraient d’eux-mêmes. Ils sont aujourd’hui détrompés. Comment la France, appuyée par la Russie, la Prusse et le Piémont, aurait-elle pu agir autrement qu’elle ne l’a fait ? On sait en quels termes la question a été posée dès l’origine. Le traité de Paris précise nettement la politique de l’Europe à l’égard des principautés. Quelle que soit l’opinion des divers cabinets sur l’organisation future des deux provinces, il y a tout d’abord à consulter les vœux, les intérêts des populations, représentées par des divans librement élus. C’est là le traité même, et c’est par suite de cette disposition qu’un firman d’élections est délibéré à Constantinople entre toutes les puissances. Ce firman est-il loyalement et sincèrement appliqué ? C’est alors au contraire que commencent les violences. Des doutes s’élèvent d’ailleurs sur la portée des dispositions relatives aux capacités électorales, et la question paraît assez grave aux commissaires européens réunis à Bucharest, pour qu’ils demandent une solution à Constantinople. Telle est l’origine d’une conférence nouvelle tenue le 30 mai. Là il est résolu d’un commun accord que les caïmacans seront rappelés à l’exécution loyale et fidèle du firman ; il est décidé en outre que la commission européenne de Bucharest est compétente pour trancher toutes les difficultés électorales, et que ses décisions seront transmises au caïmacan de Moldavie, qui devra s’y conformer.