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Celle dont la dépouille est d’herbe recouverte
Mourut au mois de mai dans sa jeunesse en fleur,
Fraîche comme sa sœur la jeune feuille verte,
Pleine d’accords vibrans comme l’oiseau chanteur.

Son cœur tout palpitant, sa poitrine remplie
D’harmonie et d’amour, son regard… tout est mort,
Et de deux yeux amis nulle larme jaillie
N’a coulé sur la mousse où la pauvre enfant dort.

Feuilles tremblant au vent, pâlissante verdure,
Sur sa fosse tombez des saules éplorés ;
Sureaux baignés de pluie, aulnes au doux murmure,
Secouez vos rameaux à ses pieds, et pleurez.

Chante, toi qu’elle aimait, petit grillon de l’âtre,
Et vous, chers oiselets de l’arrière-saison,
Merle au plumage noir et mésange bleuâtre,
Soupirez sur sa tête une triste chanson.

Vers sa tombe, volez, bouvreuils, à tire-d’aile,
Et tous, insecte, oiseaux, arbrisseaux demi-nus,
Pleurez, chantez, priez, gémissez autour d’elle ;
C’est la fête aujourd’hui de ceux qui ne sont plus.


XI - EPILOGUE


L’air est tiède, les prés verdissent,
Les pommiers du jardin fleurissent :
C’est le printemps, le renouveau.
Dans le cimetière en ruine,
L’herbe haute et fraîche s’incline
Sur la pierre d’un tombeau.

Là-bas, au fond de la vallée,
Par les aulnes demi-voilée,
La rivière semble dormir,
Et le vent du soir qui s’élève,
L’oiseau qui s’enfuit comme un rêve,
La font à peine frémir.

Derrière la feuillée ombreuse,
Le moulin à la voix railleuse
Fredonne les mêmes chansons
Qu’il disait aux chères années