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Aimée, immobile et muette,
Sentit tout son corps se glacer ;
Elle cueillit une fleurette
Pour y mettre un dernier baiser,
Et puis,… défaillante et brisée
Sous le poids de son abandon,
Elle alla tomber épuisée
Sur les degrés de sa maison.


IX – LA MORT D’AIMEE


Elle mourut. Son corps, dans sa chambre de vierge,
Son beau corps amaigri tout un jour fut couché ;
Près du lit la clarté vacillante d’un cierge
Animait d’un reflet son front demi-penché.
Sur sa lèvre muette, on eût dit que la vie
Par un suprême effort allait se réveiller.
L’encens brûlait, la chambre était toute remplie
De roses qu’autour d’elle on venait d’effeuiller ;
Un brin de buis bénit trempait dans l’eau lustrale,
Entre ses mains en croix un christ était placé.
Aux premiers blancs rayons de l’aube matinale,
On la mit sans pitié dans son cercueil glacé,
Et ce fut tout. Au fond de la chambrette grise,
Le cierge seul jeta son éclat affaibli,
Tandis qu’on l’emmenait aux sons des chants d’église
Vers l’asile où l’on dort dans la paix de l’oubli.

Son convoi s’avança lentement sur la route,
Lentement il longea les murs de son jardin,
Et puis il disparut sous les sureaux en voûte
Qui bordent le chemin.

Ces arbrisseaux tremblans dont elle était l’amie,
Qui tant de fois avaient écouté ses douleurs,
Secouaient doucement sur leur sœur endormie
Leurs ombelles de fleurs.

O sureaux parfumés, routes d’arbres couvertes,
Où tous deux bien souvent nous cheminions le soir,
Était-ce donc ainsi que sous vos branches vertes
Vous deviez la revoir ?

Lorsque parfois, après nos longues promenades,
Nous revenions ensemble, heureux, vers son logis,
Regardant le soleil s’enfuir sous les arcades
Des nuages rougis,