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Que des jasmins en fleur ;
Aux clartés du soleil, ainsi qu’une eau limpide,
Sous de longs cils brillait son doux regard humide,
Si profond, si rêveur !

Son beau sein frissonnait, sa taille était plus frêle
Que ces joncs des étangs dont une demoiselle
Courbe les brins menus ;
Le vent d’été faisait flotter sa robe blanche,
Et des rubans lilas, noués à chaque manche,
Tombaient sur ses bras nus.

Quelquefois, entr’ouvrant sa bouche fine et rose,
Elle laissait courir sur sa lèvre mi-close
Un sourire craintif ;
Je la vis s’arrêter auprès d’une verveine
Dont elle moissonnait les fleurs naissant à peine,
D’un air triste et pensif.

Elle était là, rêvant, du monde détachée,
Les yeux de pleurs mouillés et la tête penchée
Sous le poids des douleurs,
Et pourtant, le cœur plein de jeunesse bénie,
Le sein tout palpitant d’amour et d’harmonie,
Les mains pleines de fleurs.


II – LA CHANSON


Un soir, dans le salon aux sombres boiseries,
Nous étions restés seuls, à la fenêtre assis ;
L’orage avait cessé, les tonnelles fleuries
Répandaient leurs parfums par la pluie adoucis.

La lune tout à coup au sommet des platanes,
Comme une mariée au brillant vêtement,
Apparut et noya de clartés diaphanes
L’angle où le piano sommeillait un moment.

Jusqu’auprès du clavier je conduisis Aimée ;
Elle me laissa faire, et, riant doucement,
Elle éveilla du doigt chaque touche animée,
Et se mit à chanter un vieil air allemand.

C’était une chanson tantôt triste ou joyeuse,
Où parfois le sourire est tout mouillé de pleurs.
La musique en était simple et mélodieuse,
Et les accords vibraient sonores et railleurs.