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IN MEMORIAM


Ceci n’est pas un conte, amis, c’est une histoire,
Une histoire réelle et triste, en vérité.
Longtemps je l’ai gardée au fond de ma mémoire
Comme un vieux souvenir intime et respecté ;
Aujourd’hui je la dis dans sa simplicité,
Aujourd’hui que la tombe est à jamais fermée
Sur celle qu’en ce monde on appelait Aimée.

Pauvre tombeau muet, sous la mousse ignoré,
Où sommeille un trésor de jeunesse et de charme,
Sur ta grande herbe verte où pas un n’a pleuré,
Je veux laisser tomber ce chant comme une larme.


I - PORTRAIT


Du jardin embaumé la porte était ouverte,
Le soleil, à travers la clématite verte,
Dardait ses rayons d’or
Sur le pavé disjoint, sur la muraille grise,
Et sur le front hâlé d’une servante assise
Au seuil du corridor.

Tout était calme et frais, la maison était pleine
D’un parfum printanier, d’une odorante haleine
De rose et d’oranger,
Quand je la vis paraître au détour d’une allée,
Songeuse, recueillie, et sur l’herbe foulée
Marchant d’un pas léger.

Des cheveux bruns crêpés bordaient le pur ovale
De son visage fier, expressif, et plus pâle