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n’étaient que les échos de ses décisions. Dans l’état d’affaissement où était tombé l’esprit public en Écosse, à la fin du XVIIIe siècle, la convocation de l’assemblée était encore le seul incident qui excitât quelque curiosité, et c’était seulement sous les voûtes de Saint-Giles que pouvait se faire entendre parfois une parole de liberté. Néanmoins l’initiative et l’influence n’appartenaient plus au clergé, parce que les lumières, le talent et la considération étaient du côté des membres laïques. Les ministres semblaient ne plus siéger que pour voter silencieusement, et donner la majorité aux partisans du gouvernement. Le temps était loin où la parole de quelques membres du clergé suffisait à mettre toute l’Écosse en feu, et où un simple ministre, du fond de son obscur presbytère, remplissait d’inquiétude les conseillers de la couronne. Il fallut les calculs intéressés des magistrats municipaux pour ramener quelques hommes de mérite dans les rangs du clergé. Certains conseils communaux s’avisèrent enfin que le plus sûr moyen de ne pas laisser à la charge des villes l’entretien et la réparation des édifices était de faire porter leur choix sur des ministres dont le talent pût réunir un troupeau assez nombreux pour suffire aux dépenses du culte. C’est ainsi que quelques prédicateurs distingués, longtemps tenus à l’écart à cause du libéralisme de leurs opinions, parvinrent tardivement à des bénéfices. Ces exceptions étaient rares cependant, et pour ranimer l’ardeur religieuse et la vie au sein du clergé presbytérien, il fallut que la parole éloquente de Chalmers vînt déterminer un schisme et, en face de l’église établie, constituer l’église libre d’Écosse.

Edimbourg était une ville de magistrats, de lettrés et de rentiers ; à n’observer que les apparences, on eût dit à cette époque une ville de soldats. La terreur de la révolution et la peur de l’invasion française, sincères chez le plus grand nombre, affectées chez les habiles, déterminaient bon gré mal gré chez tout le monde la vocation militaire. On formait sans cesse des régimens de toute sorte : infanterie, cavalerie, artillerie, toute la population était sous les armes. Ne pas s’enrôler dans la milice eût été faire acte de mauvais citoyen et se faire hautement accuser de trahison. Jeffrey, Brougham, Horner, portaient donc le mousquet ; Cockburn commandait une compagnie. Ils avaient le bon sens de rire entre eux de leurs talens militaires et des services qu’ils pouvaient rendre ; mais d’autres prenaient la chose plus au sérieux. Le lord-avocat, Charles Hope, homme d’esprit pourtant, est demeuré célèbre par la fréquence et la longueur de ses ordres du jour et de ses proclamations : il passait sa vie à quitter et à reprendre alternativement la robe et l’uniforme ; mais son zèle n’était rien auprès de celui de Walter Scott, qui cumulait deux commandemens, l’un comme shériff de la forêt d’Ettrick, l’autre