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la haute école, où l’on passait six années à apprendre le latin, et le collège, où l’on suivait, à partir de quatorze ou quinze ans, des cours de grec, de philosophie et de sciences. La haute école, qui en quatre années compta sur ses bancs Walter Scott, Jeffrey, Brougham, Horner et Cockburn, devait toute sa réputation au recteur Alexandre Adam, l’auteur des Antiquités romaines. « C’était un homme né pour enseigner le latin, un peu de grec, et toutes les vertus. » Rien ne le rendait heureux comme de découvrir chez un élève un germe de talent ou une bonne qualité ; il savait encourager les timides, stimuler les retardataires, et se faire aimer de tous. Lui-même était un modèle vivant d’assiduité au travail et de dévouement à ses devoirs. Était-il en retard d’une minute sur l’heure de sa classe, on le voyait accourir tout essoufflé, et s’excusant sur ce qu’il s’était oublié « à vérifier une citation. » C’était là son occupation à partir de quatre heures du matin. Il lui arriva de louer une maison de campagne pour y passer ses vacances ; il y envoya sa femme et ses enfans ; il devait les y rejoindre le lendemain, il n’y mit même pas le pied : il était tombé sur la piste de quelques passages curieux, et de lecture en lecture il laissa écouler les six semaines de vacances sans songer que sa famille l’attendait toujours. André Dalzel, professeur de grec au collège, était un esprit de même nature. Affectueux et bon, d’une candeur et d’une simplicité d’enfant, il ne savait point imposer le travail à ses élèves ; mais il avait pour les lettres, et surtout pour le grec, un enthousiasme si ardent, si sincère, si communicatif, qu’il vous donnait par contagion le goût de l’étude. Il aurait fallu avoir l’esprit bien obtus et le cœur bien dur pour ne pas s’émouvoir à entendre Dalzel parler des sages et des poètes de la Grèce. Tout au rebours, le professeur de logique, Finlayson, était un petit homme noir, sec et nerveux, plein de précision et de raideur dans tous ses mouvemens, avec une paire d’yeux noirs, vifs et perçans, qu’il attachait sur vous, comme pour vous faire rentrer sous terre. Bien qu’il lût ses leçons avec froideur et monotonie, il surprenait et captivait les jeunes gens par la merveilleuse lucidité de son exposition, et il savait éveiller en eux l’esprit philosophique. Robison et Playfair se recommandaient également par des qualités éminentes ; mais la gloire du collège d’Edimbourg, c’était Dugald Stewart.


« Dugald Stewart était d’une taille moyenne, il avait les membres grêles, et un air de faiblesse donnait à son corps et à son maintien l’apparence de la délicatesse. Son front était large et chauve, ses sourcils épais ; ses yeux gris et intelligens étaient capables de rendre tous les sentimens, depuis l’indignation jusqu’à la pitié, depuis la sérénité jusqu’à la bonne humeur, en quoi ils étaient merveilleusement secondés par ses lèvres un peu trop fortes