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humaine sont les seuls dont l’autorité puisse être acceptée.

On m’accuserait de présomption, si je donnais pour excellente l’opinion que je professe sans appeler à mon secours aucun autre argument que mon affirmation personnelle. Pour me dérober à ce reproche, je me contenterai de mettre sous les yeux du lecteur quelques pages du passé. La Grèce, l’Italie et la France, douées de facultés très inégales en ce qui touche la sculpture, mais qui ont exprimé par le marbre et par le bronze un grand nombre de pensées énergiques ou gracieuses, indiquent à la question nouvelle le chemin qu’elle doit suivre. La Grèce, l’Italie et la France ont eu leurs jours d’erreur ; il faut profiter de l’enseignement qu’elles nous donnent. L’école de Rhodes s’est trompée en cherchant l’aspect théâtral. L’Italie s’est trompée en modelant les portes du Baptistère de Florence. Puget s’est trompé en composant le bas-relief d’Alexandre et Diogène, que nous avons à Paris, et le bas-relief de la Peste, qui se voit à Marseille, dans les bureaux de la Santé. Est-ce à dire que nous devions dédaigner le groupe de Laocoon, les inventions de Ghiberti, les bas-reliefs de Puget ? Non, sans doute ; mais l’artiste florentin malgré son prodigieux génie, méconnaissait les lois de la sculpture. S’il a réussi, s’il nous étonne encore, ce n’est pas parce qu’il a méconnu ces lois, c’est parce qu’à force de finesse il a dissimulé son erreur. Quant à Puget, ce n’est pas aux bas-reliefs d’Alexandre et de la Peste qu’il doit la meilleure partie de sa gloire. Dans ses caryatides, dans son Milon, il est demeuré fidèle aux lois de son art, et c’est par ces ouvrages qu’il a conquis sa renommée. L’argument le plus dangereux que l’on puisse invoquer en faveur de l’alliance que je combats se trouve dans les portes du Baptistère de Florence. Ghiberti se servait de l’ébauchoir comme du pinceau ; ses compositions, entre les mains d’un peintre habile, se transformeraient en tableaux : je ne pense pas à le contester ; mais tout en m’inclinant devant l’évidence, je persiste à dire qu’il a franchi les limites de la sculpture. Il a demandé au bronze ce que le bronze ne peut donner. Ses ouvrages ont obtenu et gardent encore aujourd’hui l’admiration unanime de l’Europe. Est-ce une raison pour croire qu’il agissait sagement ? Quand les plus beaux monumens de la Grèce contredisent la méthode qu’il a suivie, est-il permis d’hésiter ? Oui, je le reconnais, les portes de Ghiberti appartiennent à la sculpture pittoresque ; oui, le nombre des plans dépasse la limite posée par l’école attique, et cependant je n’abandonne pas mon opinion, car j’ai pour moi des autorités qui mettent ma conscience en repos. Malgré mon admiration profonde pour les portes de Ghiberti, je pense que son exemple est dangereux,