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résideront chacun dans la ville la plus centrale de leur département. Ils auront de bons et suffisans appointemens pour fournir à la dépense de représentation convenable, etc.[1]. »

Un ancien ministre, fils et frère de secrétaires d’état, a donc trouvé dans ses traditions domestiques et dans l’atmosphère administrative de son temps tout notre système préfectoral, auquel ne manquent pas même les frais de représentation : nouvelle preuve que, sous un certain rapport, la révolution s’est inspirée de notre passé beaucoup plus qu’il n’est d’usage de le dire, et que la centralisation bureaucratique n’est si vivace en France que parce que la pensée-mère en est aussi vieille que la monarchie. L’esprit moderne, j’ai presque dit l’esprit démocratique du système de Louis XIV, ne peut manquer de ressortir de l’ensemble de ces réformes, appliquées à l’administration publique comme à la vie civile de ses sujets. Il m’a donc paru convenable de les exposer avec quelque étendue, au risque d’avoir à rappeler plus brièvement les miracles de cette activité qui fit de la France la première nation maritime et militaire de l’Europe, et lui permit, après avoir épuisé tous les enivremens de la gloire, de résister sans périr à tous les ennemis qu’elle s’était faits.

Louis XIV avait trouvé la marine créée par Richelieu à peu près anéantie. La Hollande couvrait les mers de ses vaisseaux, et les sujets anglais de Charles II exigeaient avec d’autant plus de fierté l’hommage de notre pavillon qu’ils étaient alors plus irrités de l’abaissement de leur roi. Cette infériorité, toujours humiliante, et qui pouvait devenir en certaines occasions si périlleuse, fut l’un des premiers soucis de Louis XIV, et M. de Lyonne, qui, jusqu’en 1669, réunissait le portefeuille de la marine à celui des affaires étrangères, reçut l’ordre de porter tous ses soins sur cette partie importante du service. Ce ministre fit donc réparer tous les vieux vaisseaux que possédait encore la France, et prescrivit d’en acheter un assez grand nombre en Hollande. Nos ateliers de construction furent remontés à l’aide d’ouvriers et de mécaniciens engagés hors du royaume ; le port de Brest fut agrandi, celui de Toulon creusé en attendant la fondation de Rochefort, cette création toute personnelle de Colbert. Lorsque celui-ci eut reçu du roi le portefeuille de la marine, l’activité imprimée par Lyonne à ce département devint bien plus vive encore ; elle fut loin de se ralentir lorsqu’à partir de 1672, Colbert fut autorisé à s’adjoindre, pour la direction de cette branche du service public, le marquis de Seignelay, son fils et son survivancier. Un conseil supérieur da la marine, un conseil

  1. Plan du gouvernement proposé pour la France, à la suite des Considérations sur le gouvernement, par le marquis d’Argenson, p. 196 à 203 ; édition d’Amsterdam 1765.