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les parlemens et les présidiaux. Ces derniers seuls inspiraient à la royauté une confiance entière. Récemment créés par elle, ils ne se rattachaient pas, comme les justices seigneuriales, à une organisation dont elle aurait voulu abolir jusqu’au souvenir, et n’avaient des parlemens ni l’importance, ni les prétentions, ni les préjugés. Le prix très élevé des charges parlementaires et l’esprit provincial, qui s’était retiré dans les compagnies souveraines comme dans son dernier asile, avaient imprimé à leurs membres une sorte de caractère politique incompatible avec le système d’une monarchie purement administrative. L’une des pensées poursuivies avec le plus de persévérance par le gouvernement de Louis XIV fut celle qui tendait à réformer les parlemens en réduisant leurs attributions et l’étendue de leurs ressorts, de manière à les transformer en simples cours d’appel. Supprimer d’un seul coup la vénalité des charges dans la magistrature était une œuvre presque impossible, même pour le despotisme, car des sommes immenses étaient engagées dans cette nature de propriétés ; mais Louis XIV espéra se rapprocher du but en attaquant le scandale des épices, au moyen desquelles les magistrats retrouvaient l’intérêt des sommes dépensées pour l’achat de leurs charges. Dans une double préoccupation de politique et d’humanité, il proclama donc le grand principe de la gratuité de la justice, et ce principe devint l’une des bases de ces fameuses ordonnances de réformation qui donnèrent pour la première fois à la France un code civil et un code pénal.

De 1665 à 1667, le roi suivit lui-même, malgré les entraînemens de la guerre et des amours, les travaux épineux des savans commissaires chargés par lui de mettre les diverses législations de son royaume en harmonie avec l’autorité suprême du monarque et avec l’égalité de tous ses sujets devant celui qui était alors la loi vivante. Le journal d’Olivier d’Ormesson nous initie à tous les détails ignorés jusqu’ici de cette grande enquête, si longtemps contrariée par les résistances intéressées des parlemens, si obstinément poursuivie par l’indomptable volonté du prince. Dans ces conférences, nous voyons apparaître le vieux chancelier Séguier, enseigne imposante de tous les cabinets, qui, par une destinée singulière, avait, durant cinquante ans, su conserver un prestige personnel sans obtenir jamais d’importance politique. Derrière lui, nous trouvons le premier président de Lamoignon, ce type de la magistrature du XVIIe siècle, dévoué à la pensée du roi comme à l’idée même de la vérité et de la justice. À côté, l’on entrevoit Colbert caché par son oncle Pussort, « ce fagot d’épines toujours à la tête des plus grandes affaires du royaume. » Puis au second plan se montrent, avec quelques avocats d’élite, des conseillers d’état et des maîtres des requêtes comme