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du moins notablement renouvelé. Il y a peu de jours enfin, les chambres, près de se séparer, avaient à sanctionner, par le vote de crédits financiers, un acte important dont la réalisation est désormais prochaine : c’est le mariage du roi. La princesse appelée à devenir reine de Portugal n’était point désignée dans les communications officielles faites aux chambres de Lisbonne ; son nom pourtant n’est plus un mystère : c’est une princesse de la famille de Hohenzollern-Sigmaringen, dont le chef, qui est en même temps le père de la future reine de Portugal, abdiqua, il y a quelques années, en faveur du roi Frédéric-Guillaume IV, et reçut à cette occasion les prérogatives de prince de la maison royale de Prusse. Le mariage du roi est donc venu couronner cette session législative que dom Pedro lui-même résumait dans le discours qu’il adressait, il y a peu de jours, aux chambres portugaises, au moment où elles allaient se séparer. Ce sont là, si l’on veut, les traits saillans, extérieurs, de la situation politique actuelle du Portugal, de ce petit royaume relégué à une extrémité du continent, et que domine aujourd’hui le désir de se relier à l’Europe plus fortement par des chemins de fer ; mais est-ce là tout ? Quelle est cette situation au point de vue du ministère et des partis, au point de vue des rapports du gouvernement et des chambres ? Considérée de près, la session qui vient de finir a mis en lumière plus d’un fait curieux, plus d’une anomalie, en montrant la fragilité des combinaisons sur lesquelles repose l’existence du ministère, et la difficulté qu’ont les partis à retrouver un fil conducteur dans la crise de transformation où ils sont plongés depuis quelques années. La politique tout entière du Portugal réside aujourd’hui dans des coalitions et des compromis ; c’est de là qu’est né le cabinet actuel.

Il n’est point facile vraiment de se reconnaître dans cette confusion de partis tourbillonnant à la surface d’un pays peu connu par lui-même. Sans sortir du cercle des opinions constitutionnelles, il y avait autrefois deux partis principaux, les chartistes ou conservateurs dévoués à la charte et les progressistes, appelés aussi septembristes en mémoire d’une très libérale constitution qui porte la date de septembre 1838. L’administration du vieux duc de Saldanha, qui a duré cinq années, de 1851 à 1856, n’appartenait en propre et exclusivement ni à l’une ni à l’autre de ces nuances opposées ; elle s’appuyait sur un parti qui s’était formé de démembremens des autres opinions et qui s’est appelé le parti de la régénération, tandis que, d’une part, une fraction des chartistes demeurait fidèle à l’ancienne politique conservatrice dont le comte de Thomar s’était fait le chef, et que, d’un autre côté, les progressistes avancés restaient dans l’opposition, prenant le nom de septembristes historiques, qu’on leur donne aujourd’hui dans les polémiques. Maintenant quelle était la situation de ces partis et du gouvernement six mois après la chute de l’administration du duc de Saldanha, peu après les élections dernières, et lorsqu’une nouvelle crise ministérielle éclatait dans les premiers mois de cette année ? Les régénérateurs ou partisans de l’administration du duc de Saldanha étaient en minorité dans la chambre des députés, et la majorité appartenait aux septembristes historiques, à qui les élections avaient été particulièrement favorables. L’ancien parti conservateur dominait au contraire dans la chambre des pairs, où le comte de Thomar a toujours une assez grande influence. Le ministère, qui était présidé par le mar-