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résistance. Tous les villages ont été fouillés. La Kabylie entière s’est trouvée prise dans un réseau habilement tendu. Jusqu’ici, elle avait été seulement entamée par les extrémités ; les expéditions qui avaient eu lieu précédemment n’avaient été dirigées que sur certains points, et elles tendaient à resserrer de plus en plus le foyer de la résistance. Aujourd’hui la soumission est complète et générale, et le symbole de la conquête définitive, c’est le drapeau de la France flottant sur les plus hauts sommets du Jurjura. On peut dire que désormais il n’y a plus un fragment du sol algérien qui ne porte l’empreinte de notre domination. L’administration seule aujourd’hui peut compléter l’œuvre de la guerre et achever de désarmer les résistances de populations belliqueuses qui s’agiteront plus d’une fois encore sans doute avant d’accepter toutes les conditions d’une vie moins indépendante et plus régulière.

Si depuis quelques jours les regards se sont tournés particulièrement vers ces deux points, l’Inde et l’Algérie, pour suivre une insurrection grandissante et une campagne habilement conduite, est-ce donc que la politique européenne n’ait point elle-même ses questions persistantes, délicates et complexes ? La politique de l’Europe, en ce qu’elle a de général, se résume encore aujourd’hui dans les étranges anomalies qui compliquent sans cesse les affaires des principautés et dans la fin de ces tristes échauffourées qui ont récemment agité l’Italie. La question des principautés finira-t-elle par arriver à une solution régulière et sérieuse ? Ce ne sera point dans tous les cas sans avoir traversé une multitude de péripéties singulières, peu faites pour assurer l’exécution fidèle du traité de Paris, malgré tous les efforts incessamment renouvelés par quelques-unes des puissances. C’est une histoire dont le fil risque de s’égarer quelquefois. On n’a pas oublié sans doute que récemment, à la suite des excès de toute sorte commis par le caïmacan de la Moldavie, et du refus de M. Vogoridès de se conformer aux décisions adoptées par la conférence européenne à la fin du mois de mai, — on n’a pas oublié, disons-nous, qu’à la suite de ces faits les représentans de la France, de la Russie, de la Prusse et de la Sardaigne déposaient entre les mains du grand-vizir une protestation identique contre une série d’actes aussi violens qu’irréguliers, et mettaient la Porte en demeure de répondre de ce qui surviendrait désormais. Rechid-Pacha a bien senti la gravité de la position qui lui était faite par la protestation des quatre puissances. Aussi, sur les pressantes réclamations du ministre de France, consentait-il le 8 juillet à prendre une résolution en apparence assez décisive. De l’avis unanime du divan, il était arrêta que le caïmacan de la Moldavie recevrait l’ordre de retarder les élections de quinze jours, et que dans l’intervalle les listes électorales seraient rectifiées conformément aux décisions prises par les commissaires européens réunis à Bucharest. C’était une satisfaction peu compromettante, qui était acceptée néanmoins par les représentans des quatre puissances. Malheureusement les résolutions de Rechid-Pacha sont variables. Lord Stratford de Redcliffe et l’internonce d’Autriche sont intervenus pour démontrer une fois de plus au grand-vizir que tout ce qui se passait en Moldavie était de la plus parfaite régularité, et alors Rechid-Pacha s’est retranché de nouveau dans l’inaction malgré l’engagement qu’il avait pris, malgré la décision unanimement arrêtée par le divan.