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À son retour, le docteur s’égara à la poursuite d’insectes ; il ne put regagner son bâtiment, et passa la nuit dans le feuillage d’un baobab.

On touchait cependant à l’époque où la rivière décroît. Quelques symptômes de maladie s’étaient manifestés, particulièrement chez les marins indigènes qui étaient constamment exposés à de grandes fatigues. Cette circonstance, la difficulté chaque jour plus prononcée de se procurer du combustible, plus encore les premiers indices de la baisse des eaux déterminèrent le chef de l’expédition à laisser la Pleiad et à clore cette reconnaissance par une excursion en canot. Il embarqua donc pour quelques jours de vivres, et parcourut encore un espace d’une vingtaine de lieues dans l’est. Les localités qu’il visita appartenaient à la tribu sauvage des Baibai et sont appelées Lau, Djin et Dulti. Les habitans sont de plus en plus barbares ; toutefois à Lau le docteur put recueillir quelques renseignemens sur les pays qui s’étendent plus loin. Il apprit qu’il n’était plus qu’à une distance de cinq journées du Faro, grande rivière que Barth avait vue à son confluent avec le Binue. La possibilité d’atteindre les pays du Soudan par le Tchadda était dès-lors démontrée, et M. Baikie, rejoignant la Pleiad, se décida à redescendre l’important cours d’eau qu’il venait d’explorer.

La dernière partie du voyage de la Pleiad n’offrant aucun incident remarquable, nous ne suivrons pas les courageux navigateurs à travers des lieux déjà visités. Il y a quelques mots à dire cependant du pays nommé Igbira, où les voyageurs recueillirent de nouveaux détails sur les désastres causés par la grande invasion des Pulos, Le roi de ce pays, retiré depuis le sac de Panda dans la ville de Yimaba, redoutait de nouvelles violences après l’inondation. Au moment où la Pleiad repassa, il venait de recevoir une députation de ses ennemis, qui s’engageaient à lui accorder la paix s’il voulait s’astreindre à un tribut de cent esclaves, et le pauvre roi délibérait avec ses officiers sur cette proposition. Laissant de côté l’étiquette, il vint trouver M. Baikie et lui fît part de la demande, ajoutant qu’il penchait à ne rien accorder, parce que s’il livrait les cent esclaves demandés, ses ennemis ne tarderaient pas à en exiger le double. Il songeait donc à se retirer jusque dans l’Akpoto, bien qu’il lui fût pénible d’abandonner Yimaha, qui s’était relevée de son désastre de l’an passé et qui redevenait très florissante. L’Anglais ne put qu’approuver sa résolution, puis aux consolations qu’il lui donna il ajouta quatre sacs de cauris destinés au rachat de ceux de ses gens que les Pùlos avaient pris. Ces pauvres gens, si fort maltraités par l’invasion et l’oppression des Pulos, sont inoffensifs et de mœurs douces et bienveillantes ; il deviendra facile aux Européens de s’établir au milieu d’eux, s’ils continuent à les gagner par de bons traitemens. Ils sont bien plus industrieux qu’on ne le supposerait : Yimaha, malgré ses malheurs récens, était une ville populeuse et active. Les Anglais ont vu sur son marché toutes les denrées dont les riverains du Binue et du Kwora inférieur font commerce, huile, sel, beurre, vin de palmier, fruits, poisson, céréales, parmi lesquelles quatre espèces de blé. L’industrie n’est pas moins active ; il y a des teintureries, des filatures, des fabriques de nattes, des brasseries, car les divers grains servent à faire une bière qui, sans valoir le vin de palmier, a cependant un goût fort agréable. Nos Anglais virent un forgeron actif et qui maniait