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aurait porté sur moins de 750,000 hectares, car nous ne comptons certainement pas 6 millions de cotes au-dessous de 5 francs. Le territoire de la France se compose de 53 millions d’hectares, la contenance imposable approche de 50 millions (en 1851, elle était de 49,326,000 hectares) ; il ne s’agit donc pas du soixante-dixième de l’étendue totale du sol. Le péril n’est pas extrême. Cependant la moitié au moins de ces 6 millions de cotes au-dessous de 5 francs portent sur des propriétés bâties ; il faudrait donc descendre à la proportion d’un cent quarantième, en supposant toujours, nous le rappelons, que toutes les petites cotes aient été passibles de contravention.

Si, au lieu de cotes foncières, on voulait se rabattre sur les 100 millions de parcelles de la propriété territoriale (supposition la plus extrême cette fois encore, et qui nous permet de recourir à la démonstration que les mathématiciens appellent la réduction à l’absurde, celle d’une propriété divisée en entier en parcelles inférieures à la limite légale de 12 ares 1/2), il ne s’agirait pas de 12 millions d’hectares, pas le quart du territoire imposable !

La limitation étant inapplicable aux propriétés bâties et aux terrains y attenant, les appréhensions qui auraient pu provoquer une telle mesure s’effacent d’elles-mêmes devant l’examen attentif et impartial des faits. En 1842, les cotes, non pas de 5 francs et au-dessous, qui font pousser le cri d’alarme, mais toutes celles de 20 francs et au-dessous, ne payaient que le cinquième du total de la contribution foncière (52,600,000 fr. sur 268,000,000 fr.). La grande et la moyenne propriété occupaient donc les quatre cinquièmes du sol, et si la proportion s’est modifiée depuis, ce n’est pas à leur détriment. Le mal n’est donc pas si grand qu’on a voulu le prétendre ; là où il existe, il n’exige nullement que l’on démolisse le code pour le guérir. Un minime changement dans les lois d’enregistrement, voilà ce qu’il serait opportun de demander au législateur, en se confiant, pour le reste, à l’empire des lumières et de la liberté.

Il nous reste encore à puiser dans le parallèle entre deux époques, — 1821 et 1851, — d’autres données non moins intéressantes sur la situation de la propriété foncière.

Le territoire français est mieux cultivé : on comprend maintenant l’avantage pour un pays riche et peuplé de bien exploiter un espace plus restreint plutôt que d’attaquer avec des moyens insuffisans une vaste étendue de terrain ; mais en même temps que l’on a tiré meilleur parti du sol déjà défriché, on a fait aussi des conquêtes nouvelles. Les landes, pâtis, bruyères, tourbières, marais, montagnes incultes, terres vaines et vagues, occupent cependant encore le septième du territoire de la France. On aurait tort de s’imaginer qu’il serait possible de transformer avantageusement toutes ces vastes étendues