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Alors en effet le produit net, au lieu de s’écouler entre des mains étrangères, profite à l’agriculture. »

Ce sont, dit-on encore, les petits propriétaires qui s’endettent le plus, et l’on fait miroiter le chiffre de 12 milliards de créances hypothécaires ; on parle d’intérêts de 10,12 et 15 p. 100. Nous ne saurions épuiser en ce moment la grave question des conditions de l’emprunt contracté par la terre, mais il faut montrer au moins à quoi se réduit en réalité le mal que l’on signale. M. Passy[1] a raison de dire que l’on a trop assombri les couleurs. On généralise des faits isolés, en présentant la propriété française comme courbée sous le poids d’embarras excessifs. Sans doute beaucoup de propriétaires souffrent, beaucoup de biens sont fortement grevés, et il importe de leur venir en aide ; mais l’ensemble du sol est moins obéré en France que dans le reste de l’Europe. Les évaluations les plus larges ne dépassent pas réellement dix milliards ; il en est d’autres qui, faites avec soin, descendent à six milliards, et en adoptant le chiffre de sept milliards, déduction faite des hypothèques légales et des inscriptions périmées, nous croyons que l’on force la vérité. On contractait annuellement, il y a quelque temps, pour 550 millions d’emprunts hypothécaires ; mais on sait combien ce mode de placement a perdu depuis quelques années, combien il est difficile de se procurer des fonds sur hypothèque. Admettons néanmoins que la quotité de 500 millions continue encore de représenter le mouvement annuel des contrats ; les prêts se sont répartis dans la proportion suivante en 1842, et c’est la proportion moyenne :


prêts fr.
7 pour 100, de 400 fr. et au-dessous 155,220 36,640,000
13 pour 100, de 400 à 1,000 fr 89,803 62,421,000
80 pour 100, au-dessus de 1,000 fr 84,553 392,513,000
Total 329,576 prêts 491,575,000 fr.

Suivant que l’on attribue à la petite culture les prêts de 400 fr. et au-dessous, ou que l’on veuille mettre à son compte, ce qui serait évidemment exagéré, tous les prêts de 1,000 fr. et au-dessous, la dette totale de la petite propriété flotte entre 500 millions et 1 milliard de francs. La valeur de la propriété immobilière dépasse aujourd’hui 80 milliards : elle n’est donc pas grevée, dans son ensemble, d’un dixième.

Quant à l’intérêt, il est élevé dans beaucoup de cas, et surtout pour le petit propriétaire. Parvenir à le ramener à un taux plus modéré, tout en multipliant les ressources affectées au sol, c’est un des problèmes essentiels du moment. Néanmoins, en adoptant cette

  1. Dictionnaire d’Économie politique, voyez l’article Agriculture.