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pas notre sentiment ne se hâtent pas de triompher de cet aveu, car, loin de ruiner nos argumens, il les fortifie.

La moyenne de chaque fraction est plus faible, avons-nous dit, et cependant la somme totale de ces cotes minimes ne s’accroît guère. Quelle est la conséquence irrécusable de ce fait ? C’est que la surface du sol occupée par la propriété très fractionnée, loin de s’étendre, se resserre, c’est que la masse en devient moins considérable, et, s’il nous est permis d’employer le langage des sciences exactes, que la pesanteur spécifique de cette fraction de la propriété, comparée à l’ensemble du territoire français, diminue.

La question présente en effet deux faces, et ceux qui s’en sont occupés ont ordinairement négligé l’une d’elles. Ce n’est pas tout que de connaître le chiffre des cotes foncières et de se lamenter en faisant ressortir combien il grossit, et combien l’étendue des parcelles se resserre : plus cette étendue est restreinte, et moins l’ensemble des petites cotes pèse dans la balance de l’agriculture française.

Telle est la réalité des choses ; notre territoire ne souffre matériellement que fort peu de cet envahissement progressif de la propriété qui rattache de plus en plus les prolétaires à la fortune publique.

Tristes propriétaires, dit-on, que ceux qui ne possèdent le plus souvent qu’une masure et qu’un carré de jardin, qui doivent fréquemment à leur misère d’être dispensés de la contribution personnelle, ou bien (six cent mille sont dans ce cas) acquittent moins de 65 centimes d’impôt ! Certes ce n’est pas de notre part que pourrait venir la glorification d’un pareil état de choses, ce n’est pas le bien absolu, tant s’en faut ; mais c’est un progrès, et nous ne nous sentons nullement disposé à préférer l’immobilité à une marche lente et continue. Parce que le sort de tant de millions d’hommes ne s’est encore que faiblement amélioré, faut-il nous rejeter vers le spectacle de l’oppression et de la misère qui pesaient jadis sur la France ?

Ce sont, dites-vous, toujours des prolétaires : soit ; mais, s’ils ne possèdent qu’une masure, au moins n’ont-ils pas de loyer à payer : s’ils n’ont qu’un carré de jardin, ils peuvent y puiser un utile supplément de denrées, grâce à ce travail sain et fortifiant que procure le contact de la propriété. Les plaindrait-on moins, s’ils n’avaient ni abri, ni coin de terre à leur disposition ? Ces lois parcellaires, qui appartiennent aux journaliers de la campagne ou aux ouvriers de la fabrique, ne sont-ils pas un des faits les plus remarquables et les plus rassurans de la situation présente ?

Que ceux qui regrettent un passé impossible à ressusciter gémissent ; qu’ils disent, en déplorant la substitution de ce qu’ils appellent