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certes, disent-ils ; il y aurait danger pour le pupille, exposé aux trahisons et aux complots de celui qui aurait intérêt à sa mort. L’exercice de l’autorité se partagera donc : le plus proche parent aura le gouvernement, le suivant aura la tutelle et la garde. Mais ce partage est arbitraire : où est, dit l’orateur, la loi qui établit cet ordre ? Qui l’a promulguée ? Nulle part on ne la trouve écrite ; personne ne la connaît : ce que nous voyons sous nos yeux le prouve. Le duc d’Orléans a-t-il pris l’administration ? Le duc d’Angoulême a-t-il pris la tutelle ? S’ils avaient connu une telle loi, l’auraient-ils laissé enfreindre ? Le duc d’Orléans est-il homme à laisser envahir son droit sans mot dire ? Vainement alléguerait-on l’exemple de Charles V, qui prit la régence en l’absence de son père. Il ne la prit pas aussitôt, ni de plein droit, mais près de deux ans plus tard, et par la volonté et sur une décision formelle des états-généraux. Cette loi n’existe donc pas, jamais personne n’a lu ni entendu rien de semblable dans le royaume.

D’autres, plus absolus dans le principe héréditaire, ou craignant de se prononcer sur les personnes, attribuaient à tous les princes du sang royal un droit égal au gouvernement. Le seigneur de La Roche leur démontre que c’est l’anarchie même. Si tous ces princes paraissent vivre aujourd’hui en bon accord, on le doit à la bonté de leur caractère, et peut-être aussi au souvenir récent d’événemens terribles ; mais qui peut garantir la durée de cette harmonie ? « Il ne faut pas, dit-il, que tout flotte dans cette incertitude, il ne faut pas que la sécurité publique repose sur la seule volonté et sur les libres dispositions de quelques-uns. Et comme les princes ne seront peut-être pas toujours justes et bons, il est utile, il est indispensable que la situation soit éclaircie et les pouvoirs circonscrits selon le droit le plus sacré et d’après des règles précises. C’est de là que nous viendront la paix et l’ordre ; c’est là ce qui épure et apaise les âmes humaines ; c’est là ce qui met le frein aux mortels avides de puissance et de gloire. Hors de là, il n’y a plus que les armes et le chaos, car ces plaideurs-là sont d’avis que leurs procès se tranchent par le fer, non par les argumens ; ils s’appuient sur l’épée, non sur la parole ; leur but est si grand que la plus faible apparence de droit leur paraît un droit sacré, et c’est une maxime parmi eux, que si jamais on peut violer sa foi, c’est lorsqu’il s’agit de conquérir le pouvoir… D’ailleurs, ajoute-t-il, la royauté est une fonction, et non un héritage ; elle n’est donc nullement, comme l’administration des héritages, dévolue de droit aux tuteurs naturels, selon la proximité du sang. Mais, dira-t-on, l’état restera donc sans chef, exposé à tous les coups ? Non, certes ; nous proposons que le gouvernement en soit remis à l’assemblée de la nation, non pour qu’elle s’en charge