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La réforme de la justice, la révocation des confiscations arbitraires, le remplacement de l’impôt du sel par une contribution équivalente et moins oppressive, occupèrent ensuite quelques jours ; mais la question politique était urgente, et après quelques manœuvres de tactique préparatoire, elle se présenta enfin et se posa.

Quand le roi est mineur ou incapable, et que le pouvoir suprême est ainsi en quelque sorte vacant, à qui appartient-il de constituer le gouvernement ? En d’autres termes, qui est le souverain primitif, perpétuel, de qui dérivent tous les pouvoirs ? Les membres les plus distingués de l’assemblée prétendirent que c’était la nation, et la division éclata là-dessus entre deux partis également ardens. Les uns soutenaient que la royauté était une propriété comme une autre, que le droit héréditaire de la famille royale était supérieur au droit des états, que par conséquent les princes du sang, comme tuteurs légitimes selon le droit civil, comme successeurs présomptifs, devaient dans tous les cas gouverner à défaut du roi, — qu’enfin les états n’avaient aucun pouvoir législatif, et n’étaient appelés que pour voter l’impôt. Les autres affirmaient non moins résolument que lorsque le roi est incapable, le pouvoir remonte à sa source, qui est la nation. Dans le cas présent, disaient-ils, toute l’autorité du royaume (regni summam) était dévolue à l’assemblée ; son devoir était, non pas de supplier, si ce n’est pour la forme et comme signe de respect pour les princes, mais de décréter et de commander (decreto potius et imperio), jusqu’à ce qu’un conseil suprême institué par elle eût reçu d’elle le pouvoir souverain. Ils ajoutaient que, si les princes s’étaient cru le droit de gouverner sans l’exprès consentement de la nation, ils ne l’auraient pas convoquée, car ce n’était pas pour voter l’impôt seulement qu’elle s’était réunie. Ils proposaient d’ailleurs une combinaison qui, en ménageant l’orgueil et l’intérêt des princes, assurait aux élus des états la prépondérance dans un conseil de gouvernement. Malgré ces propositions conciliantes, les questions absolues avaient ouvert des perspectives nouvelles et redoutables, et un grand trouble saisissait les volontés chancelantes.

C’est alors que le seigneur de La Roche se leva au milieu de l’assemblée, et avec une sévérité tempérée par la modestie et la confiance il s’adressa d’abord aux craintes et aux hésitations qui commençaient à naître. Avant d’arriver aux principes, il s’arrêta d’abord un moment à combattre les expédiens qui en prennent la place, et à réfuter ceux qui allèguent des lois fondamentales dont personne n’a connaissance. Ceux qui prétendent que toute l’autorité est dévolue de droit aux princes du sang leur confieront-ils le roi en même temps que le royaume ? Le roi mineur doit-il, selon eux, avoir pour gardien son héritier présomptif ? Non,