Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/627

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux qui ainsi le dient pour le faire estimer plus grand, mais le font haïr et craindre aux voisins, qui pour rien ne voudraient estre sous sa seigneurie. » Avant les états de Tours de 1484, plusieurs affectaient de redouter cette assemblée de la nation, gens « de petite condition et de petite vertu. » Ils prétendaient que « c’est crime de lèse-majesté que de parler d’assembler les états. » Ainsi parlaient ceux qui ont le pouvoir et le crédit sans mérite, « accoustumés à flageoler et fleureter en l’oreille, à parler de choses de peu de valeur, et craignant les grandes assemblées, de peur qu’ils ne soient connus, ou que leurs œuvres ne soient blâmées. » Cependant jamais nation ne se montra plus dévouée, plus généreuse, plus soumise, en présence d’un roi de treize ans ; une commission de gouvernement fut nommée, les requêtes et remontrances pour le bien du royaume furent présentées, les sommes dont le besoin était justifié furent accordées largement, « à cœur soûl, et plus trop que peu. » Les états demandèrent à être réunis de nouveau dans deux ans, et promirent tous les secours en hommes et en argent que de nouvelles circonstances pourraient exiger. « Estoit-ce sur de tels subjects que le roi devoit alléguer privilège de pouvoir prendre à son plaisir ? Ne seroit-il pas plus juste envers Dieu et le monde de lever par cette forme que par volonté désordonnée ? » Mais il en est d’assez insensés pour ne pas savoir s’imposer des limites ; c’est pourquoi il y a aussi des peuples rebelles qui n’obéissent plus à leur prince, ni ne le secourent en ses nécessités, mais qui au contraire profitent de ses embarras pour le mépriser, se mettre en rébellion, et rompre le serment de fidélité qu’ils lui ont fait.

Voilà la source des révolutions ; voilà pourquoi ces jugemens divins éclatent surtout sur la tête des grands. « Les petits et les pauvres trouvent assez qui les punisse, quand ils font le pourquoy, et encore sont assez souvent punis sans avoir rien mesfait ;… mais des grands princes et des grandes princesses, qui s’informera de leur vice ? L’information faite, qui l’apportera au juge ? qui sera le juge qui en prendra la connaissance et qui en fera la punition ? » — « Je réponds à cela, dit-il plus loin, que l’information sera la plainte et clameur du peuple qu’ils foulent et oppressent en tant de manières, sans en avoir compassion ni pitié ; les douloureuses lamentations de veufves et orphelins, dont ils auront fait mourir les maris et pères, et généralement tous ceux qu’ils auront persécutés. Ceci sera l’information, et par leurs grands cris, par plaintes et par piteuses larmes, les présenteront devant Notre-Seigneur, lequel sera le vrai juge, qui par adventure ne voudra attendre à les punir jusques à l’autre monde, mais les punira en cettuy-ci. » Commynes montre ensuite, avec cette sûreté de jugement et d’expérience qui ne l’abandonne