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s’est acquitté de cette tâche comme on pouvait l’attendre de lui, et s’il était entré dans son plan de suivre le développement du génie national dans l’histoire de la vieille société française au lieu de le montrer seulement au jour qui en précéda la catastrophe, il aurait confirmé ses lumineux enseignemens par des témoignages irréfutables.

Si les partis se trompent souvent sur ce qui peut les servir, ils ont toujours l’instinct vrai de ce qui peut les blesser. La noblesse et la magistrature, atteintes par l’établissement des intendans à la prunelle de l’œil, selon le mot du cardinal de Retz, se bercèrent longtemps de l’espérance de les renverser. Leur suppression fut l’un des premiers articles du programme voté dans la chambre de Saint-Louis aux jours troublés de la minorité de Louis XIV. Mazarin s’y soumit tant qu’il ne se trouva pas assez fort pour résister ; mais, supprimés en 1648, ils reparurent plus puissans et mieux affermis en 1655, lorsque le jeune monarque eut triomphé de l’opposition bigarrée dans laquelle parlementaires et grands seigneurs avaient confondu leurs antipathies et leurs rancunes. Quand Louis XIV prit en main les rênes du pouvoir à la mort de Mazarin, ces agens fonctionnaient dans toutes les provinces avec l’énergie d’un pouvoir confiant et victorieux.


II

Quelques traits suffiront pour esquisser le tableau du gouvernement qui allait faire de si grandes choses dans la guerre et dans la paix. À côté du monarque, et comme perdus dans les splendeurs de la royauté, on trouvait, avec le chancelier et le surintendant des finances, trois secrétaires d’état, l’un pour la guerre, l’autre pour les affaires étrangères, le troisième pour les affaires des religionnaires protestans. Cette division du pouvoir ministériel ne tarda pas d’ailleurs à être modifiée par la substitution d’un contrôle général à la surintendance des finances et par l’établissement d’un ministère particulier pour la marine, le commerce et la maison du roi. Les secrétaires d’état formaient l’unique conseil du monarque pour tous les grands intérêts politiques. Indépendamment de ses attributions spéciales, chacun des ministres avait dans son ressort un certain nombre de généralités de l’administration desquelles il connaissait directement. C’est sans doute parce que les idées simples se produisent presque toujours tardivement que la création d’un ministère spécial de l’intérieur a été chez nous postérieure de deux siècles à l’établissement de la centralisation administrative. Quoi qu’il en soit, la division des généralités entre les secrétaires d’état ne fut