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cette roche est peu favorable au développement de la végétation dans les pays chauds. Je pourrais citer à ce sujet de nombreux exemples. En Italie, près de Serravezza, est une montagne qui dépend de la chaîne de Carrare. Un des versans est composé de marbre, objet de grandes exploitations ; sa stérilité rappelle celle des montagnes de marbre de la Grèce. Le versant opposé est formé de schiste, et sa fertilité est merveilleuse : les figuiers, les oliviers, les mûriers le couvrent d’un manteau de verdure où l’on chercherait vainement quelque interruption. Dans les collines de Pise, en Toscane, on peut à première vue savoir où le marbre succède au schiste, parce que sur le premier le sol est inculte, tandis que sur le second la végétation est d’une richesse extrême.

Plusieurs raisons me semblent expliquer l’aridité des montagnes de marbre dans les climats chauds. Les marbres blancs réfléchissent le soleil avec une grande force ; souvent les végétaux que produit le printemps sont brûlés pendant l’été : ainsi de grandes plantes peuvent difficilement se développer. En outre les eaux du ciel sont rares ; elles se précipitent promptement sur les pentes inclinées des versans, quelquefois même elles ne coulent pas à leur surface, les marbres étant percés de cavités en forme d’entonnoirs, nommés catavothra, où les eaux se perdent fréquemment, au lieu d’aller rafraîchir les plantes. D’ailleurs la terre végétale est rare sur les montagnes de marbre, parce qu’elle s’y forme lentement par suite de la dureté et de la difficile désagrégation de ces roches, tandis qu’elle est au contraire emportée rapidement, parce qu’elle glisse sur les pentes des versans jusque dans les plaines.

Une dernière cause rend la terre végétale très rare sur les montagnes de marbre. L’eau, en coulant sur ces roches, se charge de bicarbonate de chaux ; elle acquiert les propriétés qui appartiennent à ces sources incrustantes dont la ville de Clermont en Auvergne nous offre un remarquable exemple. Le calcaire, porté par les eaux, s’infiltre entre les granules de la terre végétale ; il les cimente, les change en pierre dure, en un mot il les pétrifie. C’est ainsi que tout le versant occidental de l’Hymète (principalement vers le midi) est couvert de conglomérats endurcis par le calcaire en dissolution dans les eaux qui filtrent à la surface du sol. En vain le laboureur prodigue ses sueurs : en dépit de ses soins, la terre devient stérile.

Pour ne pas douter que l’Hymète était déjà dénudé au temps des anciens Grecs, il suffirait de se rappeler la réputation de son miel. Comme cette montagne produisait du miel, il fallait qu’elle fût couverte