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et par ses membres très allongés il ressemble à ces endormis qui s’étirent à leur réveil.

Les fouilles de Grèce ont amené au jour de très beaux débris de macrothérium. Notre espèce est différente de celle de France ; elle est beaucoup plus grande de taille : à en juger par le train de devant, elle devait égaler en hauteur les plus grands éléphans. Les membres antérieurs étaient beaucoup plus longs que les membres postérieurs. Ainsi le macrothérium avait sans doute une marche pénible, mais en revanche il pouvait embrasser facilement les arbres. C’est ce que prouve encore la disposition des doigts. Ces doigts, armés d’ongles énormes et constamment fléchis, devaient le rendre peu habile à fouir ; ses bras avaient peu de mobilité, parce que le cubitus et le radius étaient soudés et très serrés contre l’humérus[1]. Il faut sans doute considérer les doigts du macrothérium de Grèce comme des instrumens de suspension, le jeu des articulations était limité de manière à ce que cette suspension pût se prolonger indéfiniment, sans l’intervention d’aucun effort musculaire sollicité par la volonté de l’animal, et par le seul effet de la résistance des ligamens articulaires, que tout dénote avoir été très robustes. On se trouverait donc conduit à supposer que cet animal gigantesque était conformé pour vivre sur les arbres ; de plus, la nature de ses dents prouve qu’il y prenait sa nourriture, composée soit de fruits, soit de feuillages. Quelle opinion devons-nous avoir de la dimension des arbres auxquels il se suspendait ! Et si à cet animal nous joignons les mastodontes et les autres grands mammifères dont les dépouilles se trouvent fossilisées dans le même lieu que les siennes, quel immense développement attribuerons-nous à l’ancienne végétation de la Grèce, cette terre aujourd’hui si aride et si dépouillée ! Dans nos états européens, la civilisation n’a pas seulement fait disparaître une partie des animaux, elle a encore entravé l’extension des végétaux. On n’y laisse guère les arbres subsister pendant une durée de plusieurs siècles ; il n’est peut-être pas de riches plaines que la main de l’homme n’ait nivelées : or c’est dans ces plaines que la végétation pourrait prendre son plus grand essor. En outre, avant la venue de l’homme, la plupart des ruisseaux et des rivières formaient des marais dans les plaines : on conçoit que la réunion de l’humidité et de la chaleur brûlante du ciel ait dû faciliter le développement de la végétation.

Pendant que les singes et des édentés gigantesques habitaient les forêts du vieux monde, des rhinocéros, des dinothériums, des mastodontes, des girafes, des troupes d’antilopes et d’hipparions vivaient dans les plaines. Les mastodontes et les dinothériums n’existent plus,

  1. Le radius et le cubitus sont les os de l’avant-bras, et l’humérus est l’os du bras.