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redevables de leur beauté. J’ai vu les ruines de la Sicile et de l’Italie : la conservation des monumens italiens est en général plus imparfaite que celle des monumens grecs ; rarement les détails des sculptures sont intacts. Les édifices de l’Attique présentent fréquemment au contraire des arêtes aussi fraîches, des angles aussi vifs, que si l’artiste venait de les achever. Cette belle conservation est due en partie à la régularité du climat, mais elle provient surtout de la qualité des matériaux de construction, qui furent du marbre saccharoïde, au lieu d’avoir été de la pierre assez grossière.

On voit encore les carrières creusées par les anciens : elles sont à ciel ouvert. Comme la montagne est naturellement escarpée, l’exploitation était facile ; de larges pans de rochers encore subsistans montrent que l’on opérait généralement l’abattage par grandes tranchées. Cependant on aperçoit çà et là, sur la face de ces tranchées, des cavités rectangulaires, résultant, m’a-t-on dit, de l’enlèvement de blocs de marbre qui avaient plus spécialement séduit les artistes. C’était un grand travail que d’extraire ainsi une masse rectangulaire ; il fallait creuser autour du bloc que l’on voulait retirer, puis ouvrir sur quelques points de son périmètre une cavité assez large pour faire manœuvrer des outils qui détachassent le bloc par derrière. Si l’on songe qu’indépendamment de la beauté idéale de la forme, un des caractères essentiels de la sculpture grecque était le fini des détails, et que les anciens apportaient un soin religieux dans les moindres ouvrages dont étaient ornés les temples de leurs dieux, on s’expliquera l’importance toute particulière que les artistes attachaient au choix de leurs marbres.

Une voie tirée au cordeau servait à conduire les matériaux de l’entrée des carrières jusqu’au bas de la montagne. Cette voie existe encore, elle est très rapide ; elle a été taillée dans le roc vif : exemple de grandes difficultés vaincues chez un peuple qui ignorait l’art de faire jouer la mine. On devait façonner en partie les marbres dans la carrière, car nous avons vu le tambour d’une colonne de vaste dimension resté encore près de l’endroit où fut extrait le marbre dont il est formé[1].

Ce n’étaient pas cependant les carrières du Pentélique, c’étaient ses précieux dépôts d’ossemens qui m’attiraient. Pour y parvenir, je devais me diriger dans un sens opposé aux carrières, vers la ferme de Pikermi, que j’ai déjà nommée, et qui s’adosse au versant méridional de la montagne. Les bords escarpés d’un ruisseau qui serpente à travers d’épais fourrés de pins, de lentisques et d’arbousiers, nous indiquaient le gîte qu’il s’agissait d’explorer. Je commençai par

  1. Pour élever le palais du roi Othon, on vient de reprendre les exploitations des anciens ; plusieurs des constructions de la moderne Athènes sont décorées avec des marbres du Pentélique.