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à tour selon les variations des circonstances et du sentiment public, sans mettre ni l’un ni l’autre en péril les grandes institutions et les intérêts supérieurs de leur pays.

Comment n’en serait-il pas ainsi ? N’est-ce pas par l’union du parti libéral et du parti catholique qu’en 1830 la Belgique a été affranchie et fondée ? Ne se sont-ils pas trouvés et montrés, à cette époque décisive, animés, à tout prendre, des mêmes idées et des mêmes sentimens pour l’indépendance extérieure et la constitution intérieure de leur patrie ? Qu’est-il survenu depuis qui ait pu susciter entre eux ces dissentimens vitaux qui rendent les partis incompatibles ? N’ont-ils pas paisiblement joui ensemble de la nationalité qu’ils avaient conquise et des institutions qu’ils avaient votées ensemble ? N’est-ce pas le caractère particulier et la gloire de la Belgique d’être en Europe la première, jusqu’ici peut-être la seule nation catholique qui ait franchement accepté les institutions et les libertés politiques de la civilisation moderne, en conservant et en pratiquant avec ferveur son ancienne foi ? Bien des nations catholiques ont tenté et tentent encore d’établir dans leur sein le régime libre avec tous les droits publics qui l’accompagnent de nos jours ; mais on ne saurait méconnaître qu’un esprit d’incrédulité, tout au moins d’indifférence religieuse, s’associe en général à ces tentatives, et les rend suspectes aux populations pieuses et chrétiennes. La Belgique a parmi les peuples catholiques ce privilège, qu’en devenant libérale, elle est restée, en grande partie du moins, sincèrement et sérieusement chrétienne : fortune admirable, et à coup sûr l’une des principales causes du succès, d’ailleurs si difficile, de sa révolution et de sa constitution.

Soit donc que je considère les dispositions du projet de loi ou celles du parti qui l’a soutenu, la mesure ou le pays lui-même, je trouve les alarmes qu’ont témoignées les libéraux belges, et qui ont réglé leur conduite, excessives et intempestives. Je trouve également qu’ils ont fait trop peu de cas des garanties dont ils étaient armés contre les périls qu’ils redoutaient.

Quant aux garanties spéciales et administratives instituées par le projet de loi, je n’ai qu’un mot à en dire. C’est le pouvoir laïque sous toutes ses formes et à tous ses degrés, roi, ministres, conseils communaux, députations provinciales, bureaux de bienfaisance, tribunaux, intervenant sans cesse et nécessairement pour autoriser, surveiller, inspecter et juger les fondations de la liberté religieuse. Si toute cette autorité, tous ces droits attribués au pouvoir civil ne suffisent pas à prévenir ou à réprimer les abus, ce sera certainement la faute du pouvoir civil lui-même, de sa négligence, ou de sa connivence, ou de son incapacité. Un tel mal ne se présume pas et n’est guère probable. Ce ne serait vraiment pas la peine d’établir et de