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extérieure et de ses rapports avec l’état, variation qu’elle a toujours admise selon les temps. Pendant des siècles, l’église a été non-seulement alliée à l’état, mais associée aux pouvoirs et aux affaires de l’état, non-seulement influente, mais temporellement puissante par les fonctions, comme par les situations et les richesses, et partageant plus ou moins largement, plus ou moins directement, avec le souverain temporel le gouvernement de la société. Ce grand fait n’est plus : lentement, laborieusement, mais décidément et par le concours des princes et des peuples, l’église a été écartée du monde et obligée de se replier sur elle-même. Quand on dit que de nos jours l’état est athée, on confond toutes choses, pour exprimer en termes choquans une complète fausseté. Ce qu’on a parfaitement raison de dire, c’est que l’état est devenu laïque. La distinction entre l’ordre spirituel et l’ordre temporel, qui a rempli confusément l’histoire des nations chrétiennes, s’est définitivement éclaircie et réalisée ; des querelles religieuses et politiques dont elle a été l’objet, cette distinction a passé dans les idées publiques, des idées dans les faits, et des faits dans les institutions. Elle est maintenant, à des degrés divers de clarté et d’avancement, l’un des caractères essentiels, peut-être le caractère le plus essentiel des sociétés modernes.

C’est à ce nouvel état de choses que l’église catholique doit aujourd’hui s’adapter ; c’est la transformation qu’elle a maintenant à accomplir, je ne veux pas dire à subir. L’église est une puissance libre ; il lui appartient de reconnaître elle-même sa situation et de régler sa conduite. Si elle se trompait, si elle persistait dans des illusions et des prétentions sans fondement, elle en porterait certainement la peine. Dieu ne l’a point affranchie de la nécessité de l’intelligence ni du devoir de la sagesse. Mais les pouvoirs civils auraient grand tort de se montrer empressés à exploiter ses fautes et à en faire éclater le châtiment ; ils ont au contraire aujourd’hui, dans leurs rapports avec l’église, un double devoir à remplir : l’un, de ne lui laisser aucun doute sur le caractère purement laïque de l’ordre temporel dans nos sociétés modernes et sur leur ferme résolution de le maintenir ; l’autre, de respecter sa dignité et de tenir grand compte de ses scrupules, de ses embarras, et (pourquoi ne le dirais-je pas ?) jusqu’à un certain point de ses faiblesses dans la difficile épreuve de la transformation à laquelle elle est en ce moment appelée : car c’est pour le gouvernement, comme pour la société tout entière, un intérêt immense que l’église ne s’y affaiblisse pas, que sa retraite dans l’ordre spirituel ne soit pas pour elle une humiliante défaite, et que dans sa nouvelle situation elle conserve sur les peuples cette influence morale dont, bien plus encore que la barbarie du moyen âge, la civilisation de nos jours ne saurait se passer.

Il y a évidemment en Belgique une fraction du clergé et du parti