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pauvres d’une commune ou d’établissemens publics ne peuvent être acceptées par les administrateurs de ces communes ou établissemens qu’après y avoir été dûment autorisés par le roi, il en résulte bien que le pouvoir exécutif peut refuser cette autorisation, ou ne l’accorder que pour l’acceptation partielle de la libéralité, mais nullement qu’il puisse, en autorisant l’acceptation, supprimer arbitrairement les conditions apposées par le bienfaiteur en ce qui concerne la désignation d’administrateurs spéciaux. »

Tant que je me renferme dans la question de principe, dans le projet de loi lui-même, plus je l’examine, plus je le compare aux maximes fondamentales du droit, aux traditions de l’histoire, aux exemples des états civilisés, plus je m’étonne de la résistance qu’il a rencontrée et des orages qu’il a soulevés.


V

Je sors du texte même du projet de loi ; j’entre dans la chambre des représentans belges, j’assiste à ses débats. Mon opinion persiste, mais ma surprise cesse ; je ne me range point à l’opposition, mais je la comprends.

Un premier fait me frappe. Les principaux adversaires du projet, MM. Lebeau, Charles Rogier, Henri de Brouckère, Tesch, Verhaegen, Frère-Orban, sont des hommes sérieux et des libéraux sincères ; ils ont tenu en main le gouvernement de leur pays ; ils veulent l’affermissement de sa royauté et de sa constitution ; ils connaissent l’état des esprits. Ils peuvent se tromper, et je suis fermement convaincu que, dans cette occasion, ils se trompent ; mais ils ne peuvent se tromper que par des motifs graves et plausibles. Ceux qu’ils font valoir à l’appui de leur opposition le sont en effet.

On peut résumer ces motifs en ces termes : « Le projet de loi, s’il devient loi, amènera un accroissement démesuré dans le nombre des couvens et des biens de main-morte. Il donnera lieu à des tentatives et à des faits de captation qui porteront le trouble et la ruine dans les familles. Il assurera la prépondérance politique du clergé catholique. Les garanties insérées dans le projet contre ces tendances sont sans valeur, et resteront inefficaces. » Les discours de MM. Thiefry, Rogier, Delfosse, Tesch, Verhaegen, Lebeau, Frère-Orban, sont le développement varié, mais continu, de ces quatre objections. M. Verhaegen a particulièrement insisté sur les dangers de la captation, et les détails dans lesquels il est entré à ce sujet, les faits qu’il a cités, les documens qu’il a lus, quoique contestés par plusieurs défenseurs du projet de loi, ont produit, dit-on, dans le public belge une vive impression.

Le caractère particulier de ces objections mérite d’être remarqué.