Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensée. Ce n’est point l’action directe de l’état qu’ils réclament, mais seulement sa surveillance sur les divers modes de charité, « surveillance, disent-ils, qui doit assurer leur harmonie et leur concours en respectant la liberté qui appartient à chacun, et sans amener la centralisation. » Les monarchies naguère absolues ne diffèrent pas en ceci des états libres. En Prusse, pays d’administration forte et éclairée, une loi du 31 décembre 1842 a réglé d’une façon générale l’état des pauvres et l’organisation de la charité dans le royaume ; elle porte formellement : « Les autorités à qui incombe, suivant les diverses institutions provinciales, le droit d’examiner les projets de nouveaux établissemens charitables, ne pourront en défendre l’érection que dans le seul cas où l’exécution des prescriptions du fondateur serait impossible ou nuisible. Chaque fondateur a le droit de régler, selon son bon vouloir, l’ordre intérieur de pareils établissemens, comme de prescrire la surveillance générale, la nomination des administrateurs, la reddition et la révision des comptes. Les établissemens restent toujours sous la surveillance suprême de l’état ; mais son intervention se borne à voir si l’on agit conformément aux intentions du fondateur, et si rien ne s’introduit qui soit contraire au but des fondations[1]. » La législation française est loin d’admettre, pour les fondations charitables, une si large liberté ; cependant, depuis le consulat jusqu’à l’empire actuel et à travers nos deux monarchies constitutionnelles, l’autorité exclusive de l’état en cette matière a été de plus en plus délaissée ou relâchée, et la liberté de la charité privée a reconquis de jour en jour ses droits. Les actes et le langage des ministres, les décisions du conseil d’état, les arrêts des cours souveraines ont reconnu le droit des fondateurs charitables à établir des administrateurs spéciaux et à faire passer leurs bienfaits par des distributeurs de leur choix, ecclésiastiques aussi bien que civils. Ainsi les quatre états qui par terre ou par mer entourent la Belgique, et semblent devoir exercer sur elle la plus naturelle influence, admettent et pratiquent, trois d’entre eux avec bien plus d’extension, les principes de ce projet de loi, que les chambres belges discutaient naguère avec tant d’ardeur, quand la violence populaire est venue couper court à leurs débats.

Enfin à la veille de ces débats, le 14 mars 1857, la cour de cassation belge, statuant sur un procès soumis, à sa juridiction, a déclaré par un arrêt solennel que « le droit des fondateurs de faire régir leurs fondations par des administrateurs spéciaux résulte à l’évidence de la discussion de la loi communale de 1836 (art. 84, § 2) comme du texte même, et que si, aux termes des articles 910 et 937 du code civil, les dispositions au profit des hospices, des

  1. Première partie, chap. III, § 34-38 de la loi.