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trop libéral ; or, en étant trop libéral pour les absolutistes, il froisse les vrais constitutionnels, il s’aliène la presse, il sème autour de lui l’incertitude, de sorte que, s’il n’y songeait, il finirait par se trouver isolé, sans point d’appui, au milieu de difficultés inextricables, dans l’incohérence de ces mêmes opinions modérées qu’il s’était proposé de rallier.

Le parti conservateur espagnol, en remontant au pouvoir, s’est vu cependant en position de donner le plus sérieux, le plus salutaire exemple. La constitution de 1845 avait été fort menacée avant 1854, on n’en peut plus disconvenir ; elle a été violemment supprimée par la révolution. Ramené aux affaires par le mouvement des choses, qu’avait simplement à faire le parti conservateur ? Il était dans l’heureuse obligation de montrer ce qu’il y a de force dans la légalité, et c’est à l’abri de cette légalité, hardiment rétablie, vigoureusement maintenue dans son intégrité, que pouvait s’accomplir la conciliation de toutes les opinions modérées. C’était là certainement et c’est encore la politique du général Narvaez ; c’est celle qu’il a professée dès le début de la session, et c’est ce qui a contribué un instant à faire au cabinet une position plus forte. Pourquoi s’est-il élevé des doutes cependant ? Parce qu’il y a eu évidemment des déviations, parce qu’il n’est point certain que le ministère ne subisse des pressions dangereuses, parce qu’enfin en a vu en dernier lieu, dans la loi sur la presse, une concession à un esprit de réaction outrée qui cherche à se frayer une issue de tous côtés, sans oser encore avouer ses dernières prétentions. Et par le fait à quoi sert cette loi sur la presse ? Déjà il a paru, dit-on, à Madrid quelques feuilles d’un journal clandestin semblable à celui qui paraissait avant la révolution de 1854, sous le titre de Murcielago (la Chauve-Souris). Voilà le résultat de ces législations excessives. Le général Narvaez ne peut ignorer que le jour où la réaction se croirait assez maîtresse du terrain, il ne serait plus ministre. Tout lui fait donc une nécessité, même son intérêt propre, de se rattacher plus que jamais à une politique conservatrice, mais en même temps libérale et constitutionnelle. C’est l’intérêt du général Narvaez et c’est aussi l’intérêt de la reine Isabelle, dont la couronne est toujours menacée par de singuliers projets de régence absolutiste. Toute autre politique n’est que le commencement d’aventures nouvelles.

S’il est une question grave pour un pays, c’est assurément celle de l’instruction publique, et c’est cette question, depuis si longtemps agitée en Hollande, qui vient enfin de reparaître dans le parlement de La Haye. Depuis quelques jours en effet, la seconde chambre des états-généraux est à discuter la loi sur l’enseignement primaire, et la discussion est assez avancée pour qu’on puisse voir le chemin qu’ont fait les idées de transaction entre les partis. On n’en peut plus douter, ce n’est point dans un sens extrême que cette délicate question sera résolue ; l’esprit de conciliation a fait de singuliers progrès, et il en est résulté tout d’abord que les débats parlementaires ont gardé un caractère de calme presque inattendu. On sait que le gouvernement propose de maintenir dans l’enseignement l’élément chrétien non dogmatique, et qu’il réclame la faculté d’ériger des écoles séparées. La grande difficulté est de savoir dans quelle mesure l’élément chrétien doit être introduit dans l’instruction primaire. Le parti libéral inclinerait à supprimer