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il a eu à peine le temps de se manifester. La ville de Gênes avait été choisie pour plusieurs causes sans doute : d’abord parce que les réfugiés de tous les pays pouvaient trouver, à l’abri du régime piémontais, plus de liberté pour réunir leurs ressources, et pour concerter leur action, ensuite parce que les insurgés comptaient, selon toute apparence, rencontrer plus facilement un auxiliaire dans l’esprit génois, froissé peut-être de la loi qui transporte l’arsenal maritime à la Spezzia. Le calcul a peu réussi : les Génois n’ont été nullement tentés de prêter main-forte à l’insurrection, et la liberté qui règne en Piémont n’a point empêché le gouvernement d’agir avec une énergique décision. Le ministère, au surplus, était informé par le gouvernement français de ce qui se préparait, et, s’il doutait encore de la réalisation de ces projets révolutionnaires, il se tenait prêt, de telle sorte que le jour où la sédition s’est montrée, elle a été vaincue et dispersée avant d’engager le combat. Des arrestations immédiates ont été opérées, des perquisitions ont été faites, des dépôts d’armes et de munitions ont été saisis, et l’armée est restée maîtresse de la ville. Les insurgés n’ont eu qu’un succès : ils ont occupé par surprise, pendant une nuit, un petit fort ou un corps de garde qui domine Gênes, et qui n’était défendu que par quelques soldats ; leur unique exploit a été de tuer un malheureux sous-officier qui a fait quelque résistance. Ils attendaient un signal qui devait venir de l’intérieur de la ville ; le signal n’est pas venu, parce que tout était déjà fini, et il n’est plus resté qu’un complot avorté, qui a été livré à la justice, dont les recherches éclaireront sans doute d’un nouveau jour cette étrange échauffourée. À Livourne, la lutte qui éclatait presque au même instant a été plus vive et plus sanglante, si elle n’a pas été beaucoup plus longue. Livourne d’ailleurs était considérée comme une des villes italiennes les mieux disposées pour une entreprise révolutionnaire, en raison du rôle qu’elle a joué précédemment et à cause de sa population facile à agiter. Si l’insurrection triomphait ici, ne fût-ce qu’un moment, le feu pouvait gagner la Toscane tout entière, Florence, Pise. Ce succès n’eût point été certainement durable, il n’eût fait qu’appeler les Autrichiens. Les soldats toscans ont montré qu’ils suffisaient pour la défense intérieure du pays. La lutte, qui a commencé par l’attaque d’un des principaux postes militaires, n’a duré réellement qu’un soir ; elle a été néanmoins assez vive pour qu’il y ait eu un certain nombre de morts, et sous ce rapport l’insurrection de Livourne a eu des proportions plus sérieuses que celle de Gênes.

Mais de tous ces mouvemens organisés pour éclater sur divers points à la fois, le plus curieux et le plus grave en même temps est celui qui a choisi pour théâtre le royaume de Naples. Ce n’est pas dans l’intérieur du pays que l’insurrection a éclaté ; elle est venue du dehors, et elle a pris la forme d’une sorte d’invasion préparée et exécutée d’une façon assez bizarre. Un paquebot à vapeur faisant le service habituel entre Gênes et Tunis s’est trouvé un jour chargé de réfugiés et d’armes dont la destination apparente était la régence africaine. Une fois en mer, les réfugiés ont mis la main sur le capitaine du Cagliari, ils ont pris la direction du navire, et ils ont cinglé vers les côtes de Naples. Ils ont commencé par descendre dans la petite île de Ponza, qui fait face au golfe de Gaëte, et où sont placés des condamnés ; puis,