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Bromley, » et le sacristain se fait des rentes en la désignant aux curieux.

Les témoignages de satisfaction de tous ces braves gens qui l’avaient connue dès l’enfance touchèrent singulièrement Charlotte, et furent pour elle une consolation dans ses ennuis/Elle trouva d’autres soulagemens dans la bienveillance de personnes d’un rang plus élevé. Tous ceux qui savaient la vie monotone qu’elle menait s’efforçaient de lui procurer quelques distractions. Ce n’était pas toujours facile. Charlotte était singulièrement timide, et il fallait beaucoup de tact pour vaincre cette timidité. On l’invite à venir à Londres ; elle ira, mais en déclarant d’avance qu’elle ne verra pas beaucoup de monde. Charlotte accepte difficilement, et il faut beaucoup insister pour lui procurer le plus petit plaisir. Au nombre des personnes qui ont eu pour elle le plus de bienveillance se trouvent ses éditeurs. Ce fait peut paraître naturel en Angleterre, mais il est tellement éloigné de nos mœurs, que nous le signalons comme une de ces nombreuses excentricités qui ont pour unique patrie la Grande-Bretagne. MM. Smith sont donc pleins de prévenances qui leur font honneur. Sachant combien Haworth est loin d’être une localité littéraire, ils envoient à miss Brontë les livres nouveaux et les journaux hebdomadaires. Charlotte en accuse réception avec reconnaissance, mais aussi fort qu’on l’en presse, elle refuse toujours de les garder en sa possession. Les livres une fois lus sont ponctuellement renvoyés. Il fallait beaucoup de tact, de bienveillance et de bonté naturelle pour être utile à Charlotte, et il faut dire à la louange de l’Angleterre que parmi les personnes avec lesquelles Charlotte eut des relations, aucune ne manqua de ces qualités. Citons les noms d’un honnête baronet et de sa femme, sir James et lady Kay Shuttleworth. Les deux époux, qui possédaient une maison dans les environs, vinrent rendre une visite à M. Brontë et à sa fille ; avant de prendre congé, ils pressèrent Charlotte de venir les voir à une de leurs résidences dans l’est du Lancashire. Charlotte consentit, à la sollicitation de son père, qui, inquiet pour le sort de son dernier enfant, ne manquait jamais de l’engager à prendre les distractions qui se présentaient, car, malgré son grand âge, sa bronchite et ses malheurs, M. Brontë semble avoir été dépourvu complètement de l’égoïsme qui est propre aux vieillards. Toutefois Charlotte ne jouissait qu’à demi des plaisirs qui s’offraient à elle. Lors de son dernier voyage à Londres, il lui avait semblé d’abord que les dames de la maison Smith la regardaient avec un mélange de respect et d’alarme. À son retour du Lancashire, elle s’exprime ainsi : « Après tout, maintenant que la visite est passée, je ne regrette pas de l’avoir faite. Le pire de tout, c’est que je vois s’avancer sur ma tête la menace d’une invitation à Londres. Ce qui serait un grand plaisir pour d’autres personnes est pour moi un