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bouffie, son visage n’est pas modelé, le vêtement ne laisse pas deviner la forme du corps, les proportions ne sont pas respectées. Je ne parle pas du sujet, c’est un enfantillage qui échappe à la discussion. Je ne veux ni le blâmer, ni l’approuver. Ce qui m’occupe, c’est l’exécution, que les plus indulgens ne sauraient trouver suffisante. Cependant le peintre ferait bien de ne pas traiter toujours les mêmes données. Il serait temps d’abandonner Berquin. M. Hamon a débuté naïvement, il tombe maintenant dans l’afféterie, ses figures ont presque autant de mignardise que de grâce. J’ai accueilli ses premiers ouvrages avec sympathie ; je lui donnerais encore les louanges que je lui ai données, s’il retrouvait la naïveté qu’il a perdue, s’il en était à ses débuts : malheureusement je ne puis oublier qu’il travaille pour le public depuis quelques années, et je trouve qu’il n’a pas mis le temps à profit. Il se conduit comme un enfant gâté et se moque des remontrances. Jusqu’à présent, la foule lui a donné raison, les applaudissemens ont étouffé les objections ; mais que M. Hamon y prenne garde, les yeux de la foule pourraient bien finir par se dessiller. S’il ne se décide pas à traiter sérieusement des sujets qui ne ressemblent pas à ceux qu’ils a traités jusqu’ici, s’il ne modèle pas au lieu d’ébaucher, s’il méconnaît l’autorité des proportions, comme dans Ricochet, la popularité lui échappera, et peut-être fera-t-il plus tard de vains efforts pour la ressaisir ; peut-être se rappellera-t-il avec amertume les conseils qu’il dédaigne aujourd’hui. L’engouement du public n’est pas éternel et ne résiste pas à l’épreuve de la satiété. Que M. Hamon se ravise et devienne studieux, c’est le vœu de tous ses amis.

Les compositions de M. Comte, qui plaisent aux gens du monde et ne sont pas dépourvues de mérite, obtiendraient les suffrages des hommes du métier, si l’auteur se décidait à traiter avec plus de soin la forme des figures. Il se préoccupe du ton des meubles, de la couleur des étoffes, et paraît oublier que le dessin des personnages est le point capital. Il les groupe d’une manière ingénieuse, et ses tableaux ne manquent pas d’harmonie ; mais s’il veut prendre place parmi les peintres sérieux, il faut absolument qu’il se décide à changer ses habitudes. Un bahut, un buffet, une robe, un pourpoint, ne sont que des parties accessoires. C’est la tête, c’est le corps qu’il s’agit d’abord de rendre avec précision. M. Comte procède autrement, et je crois qu’il se trompe. François Ier visitant Benvenuto Cellini dans son Atelier, Henri III visitant sa ménagerie de singes, Catherine de Médicis chez l’astrologue Ruggieri, Jeanne Grey devant le tribunal des évêques, justifient pleinement les reproches que je lui adresse. Cependant le défaut que je viens de signaler se révèle surtout dans les deux premières compositions. Henri III et François Ier