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est rendu avec une évidence qui fait honneur à M. Gérôme. La neige durcie, qui laisse à peine voir l’empreinte des pas, ajoute encore à l’effet sinistre de cette composition. Quant au costume des personnages, qui a soulevé des objections assez nombreuses, je ne saurais le blâmer, car il explique le sujet. Si l’on attendait jusqu’au lendemain pour vider une querelle de bal masqué, il n’y aurait pas de sang versé, la raison imposerait silence à la vanité blessée, les conseils de l’amitié seraient écoutés ; mais quand les deux adversaires sont encore échauffés par le vin, par la danse, par le bruit, chacun comprend qu’ils ne veuillent rien entendre, et jouent leur vie pour venger une injure qu’ils trouveraient indigne de leur colère après trois heures de sommeil. À mon avis, le costume de carnaval contribue puissamment à l’effet de la composition. M. Gérôme a voulu prouver par la Sortie du bal masqué que le genre expressif ne lui était pas interdit, et la preuve est complète. Désormais, quand il se contentera de dessiner avec précision le contour des figures et ne tentera rien au-delà, nous saurons que c’est paresse et non pas impuissance. Si nous partageons la joie de ses amis, si nous applaudissons au succès qu’il vient d’obtenir, nous voyons en même temps dans le tableau dont nous parlons un engagement qu’il sera bon de rappeler à l’auteur. Le talent qu’il vient de révéler nous rendra plus sévère dans l’avenir. J’aime à croire que M. Gérôme est en mesure de tenir ses promesses, et que ses prochaines compositions ne démentiront pas mes espérances. Instruit par les leçons de Paul Delaroche et de M. Gleyre, les moyens de rendre sa pensée ne lui manqueront jamais. Pourvu qu’il comprenne toujours, comme aujourd’hui, l’importance de l’expression, il aura devant lui une route sans épines et sans ronces.

L’engouement de la foule pour les compositions de M. Hamon est toujours aussi vif ; mais ceux qui aiment son talent d’un amour éclairé déplorent à bon droit la négligence avec laquelle il continue d’exécuter ses figures. Il possède une faculté précieuse, il saisit et il rend avec un bonheur singulier la physionomie et l’attitude des enfans. C’est par cette faculté qu’il a réussi, qu’il a séduit toutes les jeunes mères et obtenu rapidement une popularité bruyante. Tout le monde s’est plu à l’encourager, et c’était justice. Chacun espérait que M. Hamon ne méconnaîtrait pas l’utilité de l’étude et voudrait modeler après avoir ébauché. Hélas ! il n’a pas tenu compte des avertissemens qui lui étaient donnés sous la forme la plus bienveillante. Il ébauchait, il ébauche encore, et paraît décidé à ne pas faire autre chose. Dans son tableau de Ricochet, composé de deux personnages et d’une poupée, la petite fille est charmante, quoique les jambes ne soient pas d’un dessin très pur ; mais la mère est