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qui l’accueillit comme un candidat à l’empire, le présenta à ses troupes, et le fit enfin proclamer auguste dans les derniers jours de mars. La guerre était déclarée. Anthémius réunit autour de lui tout ce qu’il avait de troupes fidèles dans l’armée d’Italie ; elles étaient peu nombreuses, et sa principale force consista dans la petite armée que le maître des milices des Gaules (c’était un Goth nommé Bilimer) amena d’Arles sur sa demande, au risque de livrer à un coup de main d’Euric la métropole des provinces transalpines. Anthémius chargea ce Barbare de la garde de Rome et de sa propre défense.

Ricimer se mit en marche, traînant derrière lui l’indigne césar qu’il avait fait de moitié avec Genséric. Ni la Ligurie, ni la Toscane, n’essayèrent de l’arrêter. On eût dit qu’à la vue d’une guerre en laquelle se résumaient toutes les fureurs publiques et privées, les populations italiennes, glacées d’effroi, laissaient passer librement, comme l’instrument de la fatalité, ce gendre qui allait tuer son beau-père, ce patrice assassin de tant d’empereurs. Dans l’intérieur de Rome, la plupart des habitans restaient fidèles à Anthémius ; mais les fauteurs de Ricimer imposaient par leur ton hardi et menaçant, et la ville semblait être divisée en deux camps. Ricimer vint prendre position près du Ponte-Mole, et entoura la ville d’une ligne de blocus. Pendant deux mois, toute entreprise de vive force fut vigoureusement repoussée ; mais les subsistances étant interceptées, la famine se fit sentir, et à sa suite le découragement et les maladies. Bilimer voulut tenter une action décisive, il offrit la bataille au-delà du pont d’Adrien, près du tombeau qui renfermait les cendres de cet empereur. Après, une lutte acharnée, il fut battu et tué, son armée fut mise en déroute. Ricimer, poursuivant les fuyards l’épée dans les reins, pénétra dans la ville, et s’empara de deux quartiers où ses troupes se fortifièrent.

Ce fut dès-lors une guerre de quartier à quartier, de rue à rue, de maison à maison. Le pavé était encombré de cadavres qui pourrissaient sur les places, et dont l’air était infecté. Du haut du mont Palatin, Anthémius pouvait suivre chaque jour les progrès de son ennemi et l’affaiblissement de ses défenseurs. Quand il jugea sa cause perdue sans ressource, il résolut d’évacuer la ville en faisant une trouée dans la ligne de siège, probablement par la route d’Ostie, avec l’espoir d’atteindre cette ville, et de se réfugier sur la flotte ; mais Ricimer se tenait sur ses gardes, Anthémius fut tué pendant cette retraite. Sa mort arriva le 11 juillet. Quelques mots d’un chroniqueur donneraient à penser que Ricimer le frappa de sa propre main, et plus d’un historien l’a répété depuis ; le fait n’est pas vraisemblable : Ricimer se contentait de désigner ses victimes ; les exécuteurs dévoués ne lui manquaient pas. Rome fut mise au pillage, et