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acceptant quelques conquêtes de la révolution française, défia-t-elle le système impérial d’anéantir la nationalité. Là se borna son action dans le grand drame historique qui ouvrit le XIXe siècle. Isolée du mouvement de sympathie ou de résistance qui agitait alors toute l’Europe, traversée par les armées françaises, attendant avec patience son salut des événemens, elle vit tomber en silence son commerce maritime. À la suite des désastres de Moscou et de Waterloo, la paix rétablit, en même temps que la nationalité néerlandaise, les branches d’industrie et de travail que la guerre n’avait point mortellement frappées. Sous une constitution nouvelle, qui admettait l’intervention du pays dans les affaires de l’état, la Hollande put vivre et prospérer encore, mais non ressaisir son ancienne splendeur. En 1830, la défection de la Belgique lui enleva les avantages que les traités de 1815 lui avaient promis, laissant ainsi à la Néerlande la seule grandeur politique qui puisse encore relever l’importance des petits états, la liberté.


III

Après les annalistes politiques, les chroniqueurs maritimes nous montrent le génie néerlandais sous un de ses plus glorieux aspects. La Hollande a fourni une des plus belles pages à l’histoire des entreprises navales pendant le XVIe et le XVIIe siècle. L’art de la navigation et la stratégie maritime ne peuvent se développer dans un pays sans un ensemble de circonstances géographiques et de dispositions morales que la force des événemens révèle, mais n’engendre pas. La constitution exceptionnelle des Pays-Bas, les coutumes des habitans et leur manière de vivre appellent surtout ici l’attention de l’historien.

J’ai visité dans la Nord-Hollande, à quelque distance d’Amsterdam, des villages sur l’eau : il me serait difficile de donner un autre nom à des groupes de quinze, vingt ou trente barques surmontées de huttes en bois dans lesquelles logent des familles de cinq ou six personnes. Ces villages changent quelquefois de place. Les habitans, qui sont des pêcheurs ou des femmes de pêcheurs, suivent, comme certaines tribus nomades, leur humeur vagabonde, assurés qu’ils sont de trouver toujours leur vie dans les eaux. Il est curieux de voir, dans ces maisons qui nagent, la cheminée faite d’une plaque de tôle, les petites fenêtres ornées de rideaux et les lits en forme de tiroir. Quand on se trouve las de cette existence flottante, on est toujours libre d’attirer le bateau à terre. À quinze minutes de La Haye, sur le bord d’un canal qui mène à Delft, j’ai rencontré, en me promenant, une de ces embarcations échouée et transformée