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Hollande ont conservé surtout deux ordres de souvenirs, dont l’un se rapporte à la grande lutte de l’indépendance, et l’autre aux guerres que le pays soutint contre Louis XIV. C’est ainsi que Groningue célèbre par une fête commémorative l’anniversaire du siège que cette ville soutint en 1672, sous son grand capitaine Rabenhaupt, contre les troupes de l’évêque de Munster, allié du roi de France.


II

Nous venons d’indiquer quelques-uns des vestiges qu’aurait à consulter celui qui voudrait écrire une histoire des Pays-Bas par les monumens. Si l’on s’adresse maintenant à la littérature historique proprement dite, on rencontrera tout un groupe de documens non moins dignes d’une attention sérieuse. Les Hollandais se sont toujours montrés très fiers de leur langue nationale, à laquelle certains d’entre eux assignent d’ailleurs une antiquité fabuleuse. Un certain Jan van Gorp a écrit un livre dans lequel il se proposait de prouver qu’Adam et Eve parlaient hollandais dans le paradis terrestre. En même temps, et par une contradiction assez curieuse, ce philologue, dédaignant la langue la plus ancienne du monde, écrivait sa pensée en latin. Longtemps ce dédain du dialecte vulgaire se maintint parmi les savans et les lettrés. Les grands écrivains de la grande époque, Érasme, Grotius, Heinsius, Vossius, Spinoza, Barlœus et Arminius, se sont exprimés dans la langue de Pline et de Cicéron. On ne saurait dire pourtant qu’il n’existât point alors de littérature néerlandaise. L’idiome des anciens Frisons, des Bataves et des Belges était le teuton dans ses divers dialectes, dont on retrouve encore plusieurs vestiges dans la langue néerlandaise. De la fusion de ces dialectes se forma l’ancien néerlandais, qui remonte jusqu’au VIe siècle de notre ère[1]. Il subit au moyen âge les vicissitudes qui atteignirent tous les idiomes de l’Europe, et passa par diverses phases normandes, germaines et françaises ; mais le fonds de l’idiome primitif se conserva, et la branche frisonne surtout resta presque intacte. Des chroniques du XIIIe et du XIVe siècle, en langue nationale, existent, parmi lesquelles on cite celles de Maerlant, de Melis Stoke, de Louis de Velhem, de Jean de Helu, qui ont été rééditées ou annotées au milieu de ce mouvement d’exploration qui s’est développé depuis un quart de siècle dans toute l’Europe. Les travaux de MM. les professeurs Jonckbloet, de Vries, David et autres témoignent assez que la Hollande et la Belgique ne sont point restées en arrière dans la recherche des trésors historiques et littéraires.

  1. Histoire de la Langue néerlandaise, par M. Ypey, professeur de Groningue.