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de témoignages bien distincts, d’abord les monumens et les traditions locales, puis les travaux historiques proprement dits, enfin les relations des hardis marins qui fondèrent la grandeur coloniale du pays.


I

Une des périodes de l’histoire de la Hollande qui a laissé le plus de traces dans les monumens et dans la physionomie extérieure des cités néerlandaises est le grand mouvement qui, au XVIe siècle, souleva les forces vives de la nation contre la domination étrangère. À partir de Briel, la première place dont s’emparèrent les Hollandais, on peut suivre pas à pas les progrès et les alternatives de cette guerre sainte. La ville de Harlem, par exemple, porte encore les cicatrices de la lutte héroïque et désespérée qu’elle soutint contre les Espagnols. Je me suis promené plus d’une fois autour des vieux remparts de cette ancienne place forte, aujourd’hui déchirés par des lézardes, percés de maisons neuves qui s’encadrent fièrement entre les bastions troués par les arbres qui végètent jusque dans la pierre, et dont l’ombre se prolonge à la surface du canal : la vue de cette enceinte et des portes, sombres défilés qui serpentent jusque dans la ville, me retraçait les principales circonstances du siège. Dès ce temps-là, les remparts de Harlem étaient mauvais, je parle des murailles ; mais le patriotisme des habitans se chargea de couvrir cette vieille cité, et un tel boulevard se montra inexpugnable.

Le siège de Harlem, précéda celui de Leyde. Les avertissemens ne manquaient pas, Amsterdam, qui ne s’était point encore déclarée ouvertement pour la cause de la réformation et de l’indépendance, représenta aux habitans de Harlem les dangers de la résistance dans laquelle ils s’engageaient, le nombre et la discipline de l’armée ennemie, le peu de confiance qu’on devait placer dans le prince d’Orange, lequel n’avait pas encore réussi à délivrer une seule ville assiégée. Devant ces conseils de la prudence humaine, les citoyens hésitaient. Une harangue, hardie et animée de Wybald yanRipperda, capitaine de la garde bourgeoise, domina leur irrésolution. Il leur rappela le sang de leurs concitoyens qui venait de couler sur les ruines de Naarden et la fidélité qu’ils avaient jurée au prince d’Orange. Ce discours fut accueilli par un cri unanime d’enthousiasme : « Oui, répondirent les citoyens de Harlem, chacun de nous donnera sa vie pour la défense de la ville et le triomphe de la bonne cause. » Les images furent aussitôt arrachées des églises, et on établit partout le service du culte réformé. Le 9 décembre 1572, don Frédéric, lieutenant du duc d’Albe, marcha contre Harlem avec