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Peu à peu, soit par des mariages, soit par des conquêtes, se forma l’agglomération politique des diverses parties de la Néerlande, quoique jusqu’à nos jours les traces des anciens états séparés et presque indépendans de l’empire se retrouvent, ici dans les Frisons, là dans les habitans de la Gueldre, plus loin dans les Hollandais proprement dits, comme en Belgique dans les Wallons et les Flamands. La célèbre et romanesque Jacqueline de Bavière se vit forcée de se démettre du comté de Hollande, lequel passa alors à la maison de Bourgogne. Déjà Charles le Hardi, duc de Bourgogne, avait réuni sous son autorité presque toutes les parties de la Néerlande et de la Belgique : il avait conçu le projet de les ériger en un royaume auquel il voulait donner le nom de son duché. L’empereur Frédéric III et le roi de France Louis XI contrarièrent ce plan. Enfin Charles Quint étendit son sceptre sur toutes les provinces des Pays-Bas, dont il laissa l’héritage à Philippe II. Toutefois il s’en fallait de beaucoup que ces membres formassent un corps : chaque province gardait ses états, avec un gouverneur, un lieutenant ou un stadhouder. Aussi, lorsque Philippe II, aspirant à une sorte d’unité politique et religieuse, voulut violenter ces restes de nationalités éparses, il rencontra dans les esprits une résistance indomptable. Sous son gouvernement, les Pays-Bas étaient d’ailleurs inondés par ses compatriotes, dont le caractère hautain et fastueux froissait le simple et libre génie des Frisons, des Saxons et des Flamands. Une catastrophe était inévitable. Déjà la province de Hollande formait le noyau de l’union qui s’était préparée depuis longtemps contre l’unité artificielle essayée par l’étranger. Cette province, successivement possédée par les maisons de Lorraine, de Hainaut, de Bavière, de Bourgogne et d’Autriche, puis par les Espagnols, avait passé par des fortunes diverses, mais toujours plus ou moins imposées, jusqu’au jour ou, suivant l’exemple des autres provinces confédérées, elle ressaisit enfin son indépendance nationale.

La vie des peuples commence avec la liberté. Aussi, malgré l’intérêt que peuvent présenter les âges chevaleresques[1], mes recherches historiques se limiteront à la renaissance des Pays-Bas, sous l’empire d’une constitution qu’ils s’étaient donnée. L’histoire de la Hollande, à partir de cette époque, nous est conservée par trois ordres

  1. Il est curieux de voir comment le régime du moyen âge a fini dans les Pays-Bas. La souveraineté de ces petits états féodaux a été plus d’une fois un objet de commerce. La seigneurie indépendante de l’Ile d’Ameland fût vendue par les héritiers du dernier seigneur van Cammiuga, en vente publique, pour une somme de 170,000 florins, et cela au stadhouder de la Frise. Une autre seigneurie, Westerwolde en Groningue, fut achetée par un négociant d’Amsterdam, Willem van den Hoove, qui la revendit en 1619 à la ville de Groningue pour la somme de 140,300 florins.