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Anders Retzius), Wahlberg s’offrit avec enthousiasme et fut agréé. Son but constant fut désormais de doter la Suède d’un musée spécial d’objets d’histoire naturelle et d’ethnographie pour toute l’Afrique australe, tel que pas un pays au monde ne pût en offrir un qui fût comparable, et, bien que la mort l’ait trop promptement interrompu, il y a réussi.

L’Académie des sciences de Stockholm contribuait, par une somme de 3,500 francs environ, aux frais d’une telle mission. Ce fut le seul secours que reçut le jeune Wahlberg, qui dut consacrer sa fortune particulière aux dépenses considérables de son entreprise. Arrivé au Cap le 2 février 1839, il s’occupa d’abord de recueillir les renseignemens nécessaires sur les peuplades voisines et sur tout le pays qu’il se proposait de parcourir. Après un court séjour à Port-Élisabeth, dans la baie d’Algoa, au point précis que n’osa franchir Barthélémy Diaz en 1486, il s’embarqua et arriva à Port-Natal le 19 juin 1839. La terré de Natal, ainsi nommée parce qu’elle fut découverte par Vasco de Gama en 1498 le jour de Noël ou de la Nativité, s’étend, au nord-est de la colonie du Cap, sur la côte orientale de l’Afrique australe. La ville même de Port-Natal, fondée en 1824 par les Anglais à l’embouchure du fleuve Natal, allait être pour Wahlberg, pendant la difficile et brillante campagne de cinq années (1839-1844) qui s’ouvrait devant lui, son point de départ, son lieu de repère, de retraite et de repos.

Aux environs de Port-Natal, et dès le début de sa carrière nouvelle, Wahlberg fit la rencontre d’un naturaliste français, M. Adulphe Delegorgue, de Douai, mort à, Paris en 1847, qui fut pour lui un ami dévoué, et qui nous a laissé[1] de précieux témoignages sur le naturaliste suédois. « Aimable et sûr, dit-il, tout de feu pour les découvertes, d’un zèle infatigable, ne renonçant jamais à son but avant de l’avoir atteint, né avec d’admirables qualités dont, loin de se vanter, il avait à peine conscience, Wahlberg m’inspira, quand je le pus connaître, non pas seulement de l’amitié, mais, du respect. »

Après deux années à peine, consacrées à réunir des collections présentant un tableau complet de la flore et de la faune de toute la contrée voisine de Port Natal, Wahlberg partit, le 7 octobre 1841, pour son premier grand voyage de découverte à l’intérieur. Voici quels étaient son cortège et son équipement. Il avait pour compagnon un jeune paysan ou boer (on appelle boers, c’est-à-dire paysans ou cultivateurs, les descendans des anciens colons hollandais du Cap, qui ont cédé devant l’occupation anglaise, se sont retirés à quelque distance de la colonie, et ont formé de nouvelles colonies d’agriculteurs). Ce Hollandais, nommé Wilhem Nel, fut fort utile à Wahlberg par sa fidélité, son intrépidité et son sang-froid. Le hardi voyageur emmenait encore un Caffre nommé Ia, âgé de vingt ans, un autre âgé de treize ans, et, pour traîner tout l’équipage, un chariot attelé de douze bœufs. Il faut dire ici quelques mots de ce singulier mode de locomotion, universellement adopté dans les contrées sud-africaines, et le seul pratiqué dans les longues traites. On emploie des chariots en bois, à quatre roues bien ferrées,

  1. Voyage, dans l’Afrique australe, notamment dans le territoire de Natal, dans celui des Cafres, etc., Paris, A René, 1847, 2 vol. in-8o.