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portations, était ainsi maître d’agir. Telle était la situation lorsque le commissaire néerlandais, M. Donker Curtius, parvenait à conclure en 1855 une convention provisoire qui confirmait le droit des Hollandais à commercer avec le Japon, qui stipulait leur assimilation avec les nations les plus favorisées, et supprimait quelques-unes des entraves les plus gênantes. Ce n’était pas beaucoup ; seulement, sous l’empire de cette convention, on se réservait d’ouvrir des négociations nouvelles sur quelques articles additionnels. La Hollande n’a rien négligé pour arriver à ses fins ; mais, malgré les changemens favorables qui semblent s’opérer chaque jour dans les dispositions du Japon, elle n’a pu réussir encore. Employer des moyens violens n’entrerait guère dans le caractère de ce pays, et ce ne serait peut-être pas le meilleur moyen d’arriver à un résultat plus favorable. Le commerce hollandais reste donc avec les avantages qui lui sont assurés, et c’est avec l’aide du temps, par le développement des intérêts et des besoins, à la faveur de lumières nouvelles, que des relations plus larges, plus fructueuses, pourront s’établir entre le Japon et toutes les nations commerciales du monde. La Hollande sera la première, sans nul doute, à favoriser cette extension, comme elle sera la première à profiter de l’ouverture définitive de l’empire japonais.

Mais dans cet Orient lointain, où tout apparaît quelquefois confusément, tandis que les nations commerciales du monde cherchent à ouvrir des relations avec le Japon, tandis que la guerre avec la Chine est encore en suspens, voici une bien autre affaire qui surgit : c’est une insurrection militaire qui vient d’éclater dans les possessions anglaises de l’Inde. Comment est née cette insurrection ? La cause première semble fort puérile : les soldats indigènes se sont persuadé que dans la composition des cartouches qui leur étaient destinées, il entrait des matières impures selon leur religion, et ils se sont soulevés ; mais évidemment des causes plus générales ont dû déterminer ce mouvement, qui s’est étendu à des contrées diverses. Sur un point notamment, à Meerut, plusieurs régimens se sont mis en insurrection ; ils ont été vaincus et dispersés par les Anglais, et de là les insurgés se sont dirigés vers l’ancienne capitale de l’empire mogol, Delhi, où ils ont trouvé d’autres régimens indiens qui se sont joints à eux. La malheureuse ville de Dehli est tombée entre les mains des révoltés, qui l’ont saccagée et pillée. Les Européens ont été massacrés. Ce qu’il y a de curieux, c’est que les insurgés, une fois maîtres de Dehli, ont proclamé un roi qui paraît appartenir à la famille du dernier empereur mogol. Venant deux ans plus tôt, pendant la guerre d’Orient, cette insurrection de l’armée du Bengale aurait été certainement un grave embarras ; aujourd’hui encore elle ne laisse point d’avoir un caractère inquiétant. La puissance anglaise, on peut le penser, ne viendra pas se briser contre ce mouvement, et il est à présumer que les dévastateurs de Dehli expieront cruellement leurs terribles méfaits. C’est là néanmoins une affaire qui commence, et qui est un motif de plus pour attirer les regards vers cet extrême Orient où bien des signes aujourd’hui sembleraient annoncer des événemens considérables. ch. de mazade.