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vait ainsi à souscrire, dans une certaine mesure, aux réclamations allemandes, sans que les droits souverains du Danemark fussent mis en doute, sans que l’organisation de la monarchie tout entière fût soumise en quelque sorte à la juridiction et à l’arbitrage des duchés. Tout semblait donc arrangé, et la possibilité d’une intervention de la diète de Francfort était surtout écartée ; mais en acceptant les propositions du Danemark, le cabinet de Berlin les a interprétées de telle façon qu’il a fait surgir encore une difficulté nouvelle, comme si ce terrain de transaction n’était pas par lui-même assez fuyant. La Prusse a de nouveau réclamé en effet, au nom des duchés, tout ce qu’elle demandait d’abord, et ce que le cabinet de Copenhague ne pouvait évidemment lui accorder. De là la nécessité de nouvelles délibérations et de nouvelles communications diplomatiques. Le Danemark a étendu le plus qu’il l’a pu la mesure des concessions. Peut-il aller plus loin sans abdiquer sa souveraineté ? C’est ce qui est douteux. Le cabinet de Copenhague vient maintenant à son tour de répondre à la Prusse. Il se montre toujours animé du même esprit de conciliation, sans abandonner néanmoins, à ce qu’il semble, la position qu’il a prise. En un mot, il pourra peut-être faire encore quelques concessions de détail, pourvu que ces concessions ne portent aucune atteinte à sa juridiction souveraine, et la Prusse devrait ici obéir aux considérations qui l’ont guidée dans l’affaire de Neuchâtel, aujourd’hui définitivement réglée par la ratification du traité récemment signé à Paris. Ainsi se déroule à travers mille petites péripéties diplomatiques cette question danoise, qui n’est peut-être pas près de finir encore, mais qui n’est point vraisemblablement destinée à sortir de cette sphère de négociations plus laborieuses qu’efficaces.

Si les questions d’un ordre général s’effacent, quelques pays offrent encore dans leur vie intérieure le spectacle d’un travail où sont en jeu leurs intérêts les plus essentiels. Qu’est-ce en effet que la crise d’où la Belgique vient à peine de sortir, si ce n’est une des épreuves les plus délicates pour ses institutions ? Les chambres belges, comme on le sait, avaient été temporairement suspendues à la suite de tumultes provoqués par la discussion de la loi sur les établissemens de bienfaisance ; mais ce n’était là encore qu’une mesure momentanée, qui laissait toute liberté aux résolutions des pouvoirs publics. Le gouvernement s’est décidé à adopter une mesure définitive en prononçant la clôture de la session législative, et en même temps il annonce l’intention de proposer, dès l’ouverture de la prochaine session, l’ajournement de la loi de la charité. Quelle est la véritable pensée qui a inspiré cette résolution ? Le ministère, comme il arrive souvent dans les pays libres, a mieux aimé ne point entrer en lutte avec une émotion publique peu fondée sans doute, mais réelle. Il a tenu compte d’une effervescence qu’il est plus facile de constater que d’expliquer, et avec laquelle il est plus sage de transiger que de raisonner, ainsi que l’a dit le roi Léopold lui-même. Si le ministère s’est déterminé à sacrifier l’œuvre qu’il avait préparée, c’est qu’en outre il se croit suffisamment armé, dans l’intérêt des pauvres et de la charité, par un article de la loi communale qui, récemment interprété par la cour de cassation, laisse au gouvernement toute latitude pour autoriser les fondations charitables, en tenant compte de la volonté des fondateurs. C’est donc sous l’empire de ces