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la partie technique domine, celui de la partie intellectuelle. Les élèves de l’école de Paris, je parle de ceux que les professeurs déclarent les plus habiles, de ceux qui vont en Italie étudier librement pendant cinq ans aux frais de l’état, dessinent avec une merveilleuse adresse le chapiteau d’une colonne, peignent ou modèlent une figure de façon à contenter ceux qui connaissent la forme réelle ; mais quand il s’agit de concevoir le plan d’un palais, de composer un groupe ou un tableau, quel désappointement pour ceux qui les croyaient dispensés de toute étude nouvelle. Les meilleurs élèves de notre école sont pour la plupart, incapables de composer. Ils excellent dans les détails, ils étonnent par l’élégance, par la délicatesse d’un morceau ; mais comptez leurs pas depuis le départ de Paris jusqu’au retour, et vous serez consterné. Quand ils reviennent, ils savent ce qu’ils savaient dans le domaine de la conception. Les peintres et les sculpteurs copient les modèles qui se trouvent au Capitole, au Vatican, à la Farnésine ou dans les églises de Rome ; les architectes mesurent le palais Farnèse, le palais de la Chancellerie, le palais Giraud, les colonnes de la Graecostasis, qui s’appelaient naguère colonnes du temple de Jupiter-Stator. Ils restaurent sur le papier le théâtre de Marcellus, le Colisée, le temple, d’Antonin et Faustine. Chaque année, au mois de septembre, nous pouvons suivre leurs travaux ; mais, l’heure venue de produire des œuvres personnelles, ils hésitent, ils tâtonnent, ou, s’ils ne doutent pas de leurs forces, ils nous donnent des souvenirs pour des conceptions originales. Les spectateurs dont la mémoire est bien meublée peuvent saluer comme de vieilles connaissances les portiques et les figures signes du nom des lauréats.

À quoi faut-il attribuer la faiblesse de ces œuvres ? Ce n’est pas à l’insuffisance de l’enseignement technique. Les élèves de notre école, comparés aux élèves formés par les autres nations de l’Europe, ont une évidente supériorité. Mon témoignage ne signifierait rien, s’il n’était fortifié par celui des nations rivales. L’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne envoient chez nous leurs enfans pour apprendre le maniement du pinceau, de l’ébauchoir, de l’équerre et du compas : elles s’avouent vaincues, puisqu’elles sollicitent les leçons de notre école ; mais la partie intellectuelle de l’enseignement n’a pas été traitée avec autant de soin que la partie matérielle. Parmi les trois arts du dessin, un seul, l’architecture, possède une chaire d’histoire, et cette chaire est à peu près inutile, parce que les élèves ne sont pas obligés de prouver qu’ils ont suivi les leçons du professeur. La peinture et la sculpture n’ont pas de chaire d’histoire, et les ouvrages envoyés de Rome par les pensionnaires, prouvent assez toute l’importance de l’enseignement historique. — Les