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meilleure. J’ai des chatouillemens de conscience, des tressaillemens de remords, des visions de choses saintes et inexprimables qui m’étaient inconnues autrefois. Tout cela peut s’évanouir, et je puis me trouver alors dans la nuit noire ; mais j’implore du clément Rédempteur que si ces lueurs que j’entrevois doivent être l’aurore de son Évangile, il fasse épanouir cette aurore en un splendide midi. Ne vous abusez pas sur mon compte, ne me croyez pas bonne : je désire seulement le devenir. Je déteste mon ancienne présomption et mon ancienne frivolité. Oh ! je ne suis pas meilleure qu’autrefois ; je suis dans un tel horrible et sombre état d’incertitude, qu’à ce moment même je consentirais à être vieille, à avoir les cheveux gris, à avoir dit adieu à tous mes jours de jeunesse et de joie, à être inclinée sur la bord de mon tombeau, si j’avais l’espérance d’être réconciliée avec Dieu et rachetée par la grâce de son Fils. Je n’ai jamais exactement été insouciante de ces choses, mais elles m’ont toujours fait éprouver une impression répulsive et sombre, et maintenant les nuages deviennent plus noirs encore, et un abattement plus oppressif pèse sur mon âme. Vous m’avez consolée ; pendant un moment, un atome de temps, j’ai pensé que je pourrais vous appeler ma sœur selon l’esprit, mais maintenant l’excitation est passée, et je suis aussi misérable et désespérée que jamais. Cette nuit, je prierai comme vous me le recommandez. Puisse le Tout-Puissant m’écouter avec complaisance ; j’espère qu’il m’exaucera, puisqu’à mes prières souillées vous joindrez vos pures supplications. Tout est tumulte et confusion autour de moi…… Si vous m’aimez, venez, venez, venez vendredi ; je vous attendrai ; si vous ne venez pas, je pleurerai… »

« 10 mai 1836…. Ne vous abusez pas sur mon compte ; n’imaginez pas que j’aie un atome de bonté réelle. Ma chérie, si je vous ressemblais, j’aurais le visage tourné vers Sion, mais je ne suis pas comme vous. Si vous connaissiez mes pensées, les rêves qui m’obsèdent, les imaginations enflammées qui me dévorent et qui me rendent toute société insupportable, vous auriez pitié de moi, et j’ose dire que vous me mépriseriez. Je connais pourtant les trésors de la Bible, je les aime et je les adore ; je puis voir la source de la vie dans tout son éclat et dans toute sa transparence, mais lorsque je m’approche pour boire de ses eaux, elles fuient mes lèvres comme si j’étais Tantale.


« Vous avez été bien bonne pour moi dernièrement, vous m’avez épargné toutes ces petites et innocentes plaisanteries qui, grâce à ma malheureuse susceptibilité de caractère, me faisaient tressaillir autrefois, comme si j’avais été touchée avec un fer chaud ; des choses dont personne ne s’inquiète entrent dans mon esprit et l’irritent comme un venin. Je sais que ces sentimens sont absurdes, et je fais tous mes efforts pour les cacher ; mais plus je les ensevelis en moi, plus leur aiguillon est fort. »


« 1837….. Si je pouvais toujours vivre avec vous, si chaque jour je pouvais lire la Bible avec vous, si vos lèvres et les miennes pouvaient boire en même temps, et dans la même coupe, les eaux de la fontaine de clémence, j’espérerais, j’aurais la confiance de devenir meilleure que ne me le permettent