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débile, mais, à la différence des autres, une enfance plus précoce, menant à un âge mûr plus actif.

M. Renan s’est fait de ces choses une idée différente. Il suppose aux Ariens et aux Sémites une noblesse et une pureté originelles qu’ils perdirent dans leurs contacts avec les peuples étrangers. Il dit qu’aucune branche des races ariennes où sémitiques n’est descendue à l’état sauvage, qu’ainsi les races civilisées n’ont pas traversé cet état et qu’elles ont porté en elles - mêmes ; dès le commencement, le germe des progrès future. Enfin, attribuant aux Chamites, qu’il place en un rang inférieur, plus d’aptitude pour les mathématiques et l’astronomie qu’aux Ariens et aux Sémites, il admet par là implicitement que le développement scientifique est à la fois plus ancien et d’un ordre moins relevé que les autres. Ces propositions, il est mieux de les soumettre à la lumière d’une doctrine générale que de les discuter isolément.

Les géomètres, voyant que la terre et toutes les autres planètes étaient renflées à l’équateur et aplaties aux pôles, trouvèrent par les lois de la mécanique qu’un tel renflement et un tel aplatissement n’étaient possibles qu’en un seul cas, celui ou le corps animé d’un mouvement de rotation est fluide. Dès lors il a fallu que toutes les hypothèses sur la géologie, passant sous le joug de cette loi, admissent la fluidité primordiale de notre terre, et une théorie qui ne s’y conforme pas est, par cela seul, invalidée. De même dans la science de la vie et dans celle de l’histoire, qui en est un prolongement, domine une loi fondamentale qui doit toujours être satisfaite ; c’est la loi de développement. Dans l’ordre de la vie et de l’histoire, non-seulement rien ne se fait qui n’ait un commencement et un progrès, mais, et c’est là le point capital, dans ce commencement et ce progrès les termes ne peuvent jamais être intervertis : ce qui est supérieur suppose toujours comme base ce qui est inférieur. Dans la série des êtres organisés, il y a un échelonnement graduel depuis les végétaux jusqu’à l’homme ; les animaux supposent les végétaux, et dans la chronologie géologique les plus compliqués sont les derniers venus. L’individu de chaque espèce sort d’un germe et gagne successivement ses organes et ses aptitudes. Les deux vies, végétative et animale, sont superposées l’une à l’autre ; la première est plus ancienne sur la terre, qui n’eut d’abord que des végétaux ; elle est plus ancienne chez l’animal et chez l’homme, qui dans l’ovule maternel commencent par n’avoir que l’existence végétative. Enfin dans la vie animale elle-même, c’est-à-dire datas l’ensemble des fonctions nerveuses, il y a encore un ordre invariable d’évolutions : les facultés les plus éminentes, celles qui forment l’apanage de l’humanité, sont les dernières à se montrer ; pour qu’elles apparaissent, il faut qu’elles soient portées par les facultés inférieures qui président