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Grèce à son tour, franchissant les limites assignées jusque-là au génie de l’homme, jeta les bases du régime scientifique, attira à soi l’Occident, et ouvrit définitivement la porte de l’histoire.

Rien de plus difficile que de tracer pour une race des caractères qui soient assez généraux pour lui appartenir et assez précis pour la distinguer, et M. Renan a montré dans cette tâche un talent plein de ressource et d’habileté ; mais, en raison même de la difficulté, les essais de ce genre veulent être repris à plusieurs fois. Ce qui complique essentiellement la question, c’est, en instituant la comparaison, de distinguer ce qui est original de ce qui est dû à des degrés inégaux de développement et de civilisation. Ainsi, quand on prend d’une part les Égyptiens, et d’autre part les Sémites Tyriens ou les Sémites Hébreux, et que dans ce rapprochement on essaie de reconnaître les traits distinctifs, on met en regard une population très ancienne avec une population qu’à ce point de vue on peut dire moderne, si bien que la plus ancienne ne s’était pas complètement dégagée de l’écriture hiéroglyphique, et que l’autre en était déjà à l’écriture alphabétique. Une autre complication non moindre est celle qui provient des différentes destinées de chaque race, des essaims qu’elle dissémine, des régions que ces essaims occupent et du conflit qu’ils ont avec la nature et avec les hommes. Considérez en effet une seule race chez laquelle il faut bien supposer des aptitudes identiques, et voyez quelles modifications sont produites par les lieux et par les circonstances. Le Sémite est monothéiste et agriculteur en Judée, marchand et navigateur à Tyr, négociant et conquérant à Carthage, pasteur en Arabie, et même un jour arrive où le Juif devient uniquement homme d’affaires. La famille arienne n’offre pas de moindres diversités. Dans l’Inde, après un brillant début, elle s’arrête, demeure sans retour dans le polythéisme et le régime des castes, et ne paraît pas moins incapable de mouvement et de progrès que les Chinois ou les races jaunes. En Perse, elle ne s’élève pas non plus à un bien grand développement. En Occident, c’est bien pis : le Celte, le Germain, le Slave restent pendant de longs siècles dans la barbarie, et en sortent non par leur propre force, mais par l’initiation d’une civilisation supérieure. Évidemment, si, avec les traits des Allemands, des Français, des Anglais, on essayait de retrouver quelques-uns de ceux de la famille arienne, il faudrait une bien délicate critique pour en écarter ce qui y provient de la culture gréco-romaine, produite elle-même par la culture orientale. Si la race chamite a l’initiative des premiers établissemens de civilisation et jusqu’à présent on ne remonte pas au-delà d’elle), il faut lui en savoir grand gré, car tous les commencemens sont les plus difficiles. Si elle a trouvé les élémens de l’arithmétique, de la géométrie et de l’astronomie, il faut y voir non une marque de la faiblesse de son