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croyance. Nous avons son livre écrit en zend, langue depuis longtemps disparue, qui avait déjà vieilli quand Darius et Xercès faisaient inscrire sur les monumens leurs victoires ou leurs épitaphes, et qui tient par les liens les plus étroits au sanscrit, et, par des relations moins prochaines, au grec, au latin, à l’allemand. Sur un fond théologique qui a des analogies profondes avec le système polythéistique des principales populations ariennes, Zoroastre a établi une religion qui s’en détache fortement. Indépendamment d’une moralité précise et pure qu’il n’importe pas de considérer ici, ce qui va directement à mon but, c’est que la conception fondamentale, destinée à expliquer le bien et le mal dans le monde admet l’existence de deux principes éternellement opposés. Qui ne voit ici le résultat d’un travail métaphysique de la pensée ?

À une époque moins reculée, mais pourtant fort haute encore, puisqu’elle appartient au VIe siècle avant l’ère chrétienne, une autre population, une autre religion ariennes furent soumises à l’épreuve d’un déchirement de croyances. Les Indiens (j’entends par là des gens parlant le sanscrit) avaient apporté de l’Asie leur polythéisme. Soutenu par les védas, qu’une caste sacerdotale, les brahmanes, interprétait, il avait présidé au développement antique de cette race ; mais un temps vint où le brahmanisme ne satisfit plus à toutes les exigences de la conscience indienne. Un réformateur, un homme privilégié, Bouddha, fut l’interprète de la nouvelle direction des idées. Obéissant à la pente qui avait dirigé le brahmanisme vers le panthéisme, il fit définitivement, de l’absorption dans le grand tout, le but des efforts de l’activité et la récompense de la vertu : des métempsychoses éternellement successives attendent l’individu une fois engagé dans l’engrenage de la vie ; la sainteté et la pénitence suprême rompent cet enchaînement fatal, et anéantissent l’individualité dans la substance infinie qui la rappelle à soi.

Pour pénétrer dans ces antiques révolutions de la pensée et de la croyance, nous avons plus que des inductions, nous avons un fait historique qui montre quel en a été le levier. C’est le bouddhisme qui le fournit. Le brahmanisme, directeur suprême d’une nombreuse et intelligente population, n’était point resté immobile ; il avait suscité dans son propre sein un travail mental qui, partant des livres sacrés et de la foi commune, avait tiré de ces prémisses des conséquences très diverses. Plusieurs systèmes métaphysiques s’étaient formés et, vivant à l’ombre de la religion qui leur avait permis de naître et de croître, conservaient plus ou moins implicitement des germes de désaccord avec elle. Tel était l’état des esprits quand le bouddhisme vint s’emparer de ces matériaux accumulés. Non-seulement il avait été précédé, on le voit, de systèmes qui s’étaient exercés