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quelques pièces de poésie ; mais il est très certain qu’on parlait arabe en Arabie, et quand la domination romaine et grecque occupait les contrées limitrophes, et quand Jérusalem, Tyr et Sidon florissaient, c’est-à-dire depuis l’époque inconnue où les premiers pères des habitans de cette vaste contrée vinrent s’y fixer. Toutefois, pendant une longue antiquité, il ne se fit aucun mouvement dans cette langue, et après une torpeur de beaucoup de siècles, un éveil survenant, les Arabes entrèrent dans le cercle des peuples qui imaginent, pensent et écrivent. Je fais cette remarque afin de noter qu’une population, même douée heureusement, peut rester, pendant un temps indéfini, dans l’immobilité d’esprit, si quelque chose d’intérieur ou d’extérieur surgissant n’y décide ce que j’appellerais volontiers la fermentation intellectuelle. Ainsi, quand, les documens faisant défaut, nous arrivons à un point de l’histoire où la route est coupée, il ne faut pas croire que cette limite apparente soit voisine de l’origine ; un nombre immense d’années ont pu s’écouler pendant lesquelles cet état, qui nous paraît primordial, et qui sans doute l’est à un certain point de vue, n’a pas varié. Dans les époques primitives, il y a peu ou point d’histoire, c’est-à-dire que le mouvement d’ascension de l’humanité n’y est pas marqué, ou bien y est peu marquée En d’autres termes, les périodes initiales ou antéhistoriques n’ont aucune proportion connue avec les périodes du développement historique. La péninsule arabique nous en offre un exemple.

Comme l’arabe, le syriaque remonte, en tant que langue parlée, aux siècles les plus lointains ; mais, en tant que langue écrite, s’il a le pas sur l’idiome sacré de l’islamisme, il n’a pourtant pas droit à une très haute antiquité ; il appartient à une époque intermédiaire. Les monumens qui nous en restent sont surtout relatifs au christianisme. La Syrie fut chrétienne jusqu’à l’invasion des Arabes, qui firent prévaloir leur religion ; mais jusque-là elle avait fourni un notable contingent de docteurs et d’écrivains qui propagèrent et défendirent la foi inaugurée par Jésus. Le syriaque s’était effacé quand l’arabe avait pris le premier rang ; de même, quand le syriaque arriva sur la scène littéraire, l’hébreu avait cessé d’être une langue vivante et productive. C’est lui en effet, puisque nous n’avons conservé aucun livre de Sidon ou de Tyr, c’est lui à qui revient sans conteste, dans cette série, le droit d’antiquité. Les livres des Hébreux sont les plus lointains documens écrits que nous possédions pour tout cet ensemble de peuples ; par-delà, il n’y a plus que des légendes, des traditions, des conjectures. La langue hébraïque est la forme la plus ancienne que nous connaissions de ces langues unies entre elles par des liens étroits.

Cet ensemble de peuples a tenu un très haut rang, et leur part a été grande dans l’histoire de l’humanité. Les Arabes ont fait d’immenses