Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En mesurant non-seulement aux classes agricoles et commerçantes, mais encore aux classes savantes, leur part proportionnelle d’intervention dans l’exercice du pouvoir électoral, le nouveau projet de réforme laisserait encore désirer une dernière satisfaction qui devra en compléter les mérites. Ne faudra-t-il pas, en effet, apprécier les titres que les classes ouvrières pourront faire valoir pour obtenir les avantages et les garanties de la représentation ? Sans doute, tous les citoyens qui font partie des classes ouvrières ne sont pas tenus en dehors des rangs des électeurs, et ils peuvent y gagner peu à peu leur place. Sans doute, la sollicitude pour leurs intérêts est toujours éveillée dans le parlement, et les services qui peuvent leur être rendus donnent aux partis la fréquente occasion d’une noble rivalité. Néanmoins, en leur demandant leur concours dans de certaines limites, la loi aurait l’avantage de devancer leurs exigences. Il suffirait d’établir, dans quelques-unes des villes où les classes ouvrières ont la force du nombre et de l’organisation, des collèges électoraux qui correspondraient, au bas de l’échelle sociale, aux collèges électoraux des universités. Les conditions du droit de suffrage y seraient réglées selon le temps qui aurait été passé par l’ouvrier dans sa corporation, selon la position qu’il y occuperait, telle que celle de contre-maître. Une telle innovation, si elle est proposée par le gouvernement de lord Palmerston, lui assurera une légitime popularité, sans mettre en péril aucun des principes conservateurs de la constitution. En effet, il ne s’agirait pas de bouleverser les institutions électorales du pays, en appelant les classes ouvrières à écraser par leurs masses les autres classes d’électeurs. Les classes ouvrières choisiraient leurs députés, et elles n’empêcheraient pas les autres classes d’être également représentées par les élus de leur choix ; elles disposeraient dans le parlement d’un certain nombre de voix proportionné à la place qu’elles doivent tenir dans l’état, mais elles n’usurperaient pas la prépondérance qui doit rester attachée à la propriété, à la fortune acquise, à la position prise dans la société. Reconnaître aux travailleurs le droit de faire surveiller les intérêts du travail en leur attribuant la nomination de quelques-uns des membres de la chambre des communes qui seraient appelés à s’associer en leur nom au gouvernement du pays, voilà l’œuvre qui couronnera les progrès sagement mesurés de la législation. Elle ajoutera à la machine un nouveau rouage qui s’y engrènera sans difficulté, et qui, loin de déranger l’harmonie du système, en rendra le mouvement plus fort et plus sûr.

Elargir et épurer la classe des électeurs des bourgs, étendre le droit de représentation en faveur des classes lettrées et savantes, créer le droit de représentation pour les classes ouvrières, telles sont les principales réformes qu’il faut attendre du projet dont le gouvernement